Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/103

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moins que vous aurez égard à ceci. — Le même égard que vous y auriez eu vous-même il y a un mois, » répondit le chevalier en déchirant le warrant en mille morceaux. « Eh bien ! que diable avez-vous donc à me regarder ainsi ? Croyez-vous avoir le monopole de la rébellion ? Pensez-vous que nous n’ayons pas à notre tour le droit de montrer de la désobéissance ? — Laissez-nous passer, sir Geoffrey, dit Bridgenorth, ou vous me forcerez à faire ce dont je pourrais être fâché plus tard. Je suis dans cette affaire le vengeur du sang de l’un des saints du Seigneur, et je poursuivrai ma proie tant que le ciel me laissera un bras pour me frayer un passage. — Vous ne pourriez vous en frayer un ici qu’à votre péril, s’écria sir Geoffrey. Je suis sur mon terrain ; j’ai été assez harassé pendant vingt ans par vos prétendus saints. Je vous le déclare, maître Bridgenorth ; maître Bridgenorth, je vous le dis, ce ne sera jamais impunément que vous violerez la paix de ma maison, que vous poursuivrez mes amis sur mon territoire, et que vous corromprez mes domestiques comme vous l’avez fait. Je vous estime et vous respecte cependant, à cause de certains procédés généreux que je ne veux ni oublier ni nier, et il vous sera difficile de me forcer à tirer l’épée ou le pistolet contre vous ; mais si vous faites un seul mouvement hostile, si vous avancez d’un seul pas, je m’emparerai de votre personne sur le champ ; et quant à ces marauds, qui viennent poursuivre une noble lady sur mes terres, ordonnez-leur de se retirer, ou j’en enverrai quelques-uns au diable avant le temps. — Faites-nous place à vos propres risques, » dit le major Bridgenorth, en portant la main sur son pistolet. Sir Geoffrey se précipita sur lui, le saisit au collet, et donnant un coup d’éperon à Black-Hastings, il serra la bride de manière que le cheval fit une courbette, et que tout le poids de son poitrail retomba sur la monture de Bridgenorth. Un soldat bien expérimenté se serait, dans une pareille situation, débarrassé de son adversaire par le moyen d’une balle bien ajustée ; mais quoique le major eût servi quelque temps dans l’armée du parlement, l’espèce de courage dont il était doué convenait mieux pour la vie civile que pour les exploits militaires : et non-seulement il était inférieur à Peveril comme homme vigoureux et comme écuyer, mais il était encore totalement dépourvu de cet esprit d’audace et de résolution qui poussait toujours sir Geoffrey à se précipiter sans réflexion au milieu du danger. Aux prises tous les deux, ils luttaient l’un contre l’autre d’une ma-