Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/80

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remit des lettres, et, quoique je ne lui demandasse aucun secours pécuniaire, s’excusa de ne pouvoir m’en offrir, à cause des dépenses auxquelles l’obligeaient son rang et sa nombreuse famille. Non, je ne puis croire qu’un gentilhomme puisse pousser jusque-là la duplicité. — Je ne suis pas, il est vrai, issu d’un sang noble, répondit le bourgeois de la Cité ; mais je vous dirai encore une fois : Regardez mes cheveux blancs, et songez que je ne puis avoir aucun intérêt à les flétrir par une fausseté, dans une affaire qui me touche uniquement en ce qu’elle concerne le fils de mon bienfaiteur. Réfléchissez aussi aux résultats… Les lettres du chancelier vous ont-elles procuré quelque avantage ? — Aucun, dit Nigel, excepté de belles paroles et des actions pleines de froideur… Je pense déjà depuis quelque temps que leur seul but est de se débarrasser de moi. Hier, un de ces protecteurs, comme je parlais de passer chez l’étranger, me pressa d’accepter de l’argent, sans doute pour que les moyens de m’exiler ne me manquassent pas. — Précisément, ajouta Heriot ; plutôt que de vous voir rester, ils vous fourniraient eux-mêmes des ailes pour fuir. — Je cours le trouver, » s’écria le jeune homme irrité, « et je lui dirai ce que je pense de sa bassesse. — Sous votre bon plaisir, » dit Heriot en le retenant, « vous n’en ferez rien. Par une querelle, vous ne réussiriez qu’à me perdre, moi qui vous les ai fait connaître ; et quoique je sois disposé à risquer la moitié de ma boutique pour rendre service à Votre Seigneurie, certes, vous ne voudriez pas me faire du tort quand il n’en pourrait résulter aucun avantage pour vous. »

Le mot boutique sonna désagréablement aux oreilles du jeune lord, qui répondit à la hâte : « Du tort, monsieur ! Je suis si loin de vous faire du tort que vous m’obligeriez infiniment de vous désister de ces inutiles offres de services à l’égard d’un homme qu’il est impossible de servir jamais efficacement. — Laissez-moi faire, dit l’orfèvre ; jusqu’à présent vous vous êtes trompé de route. Permettez-moi de prendre cette copie de votre supplique ; je la ferai transcrire convenablement, et je choisirai ensuite le moment, la première occasion de la remettre entre les mains du roi, avec un peu plus de prudence, j’espère, que votre domestique n’en a montré. Je répondrais presque qu’il prendra l’affaire comme vous le désirez ; mais, même dans le cas contraire, je ne désespérerais pas encore d’une aussi bonne cause. — Monsieur, dit le jeune seigneur, il y a tant de cordialité dans vos paroles, et ma situation est si malheureuse, que je ne sais comment refuser vos