Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/64

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Olifaunt, trop inquiet pour ne pas douter grandement de ce que la bonne dame lui assurait avec tant de vivacité, jeta son manteau sur son épaule et il s’occupait de ceindre son épée, quand la voix de Richie qui se fit entendre sur l’escalier, et l’entrée de ce fidèle émissaire dans son appartement, vinrent dissiper toutes ses craintes. Dame Nelly, après avoir félicité Moniplies de son retour, et s’être vantée elle-même de la sagacité avec laquelle elle l’avait prédit, voulut bien enfin quitter la chambre. Indépendamment de quelque instinct de savoir-vivre qui combattait sa curiosité, elle vit bien, au fait, qu’il n’y avait aucun espoir que Richie commençât sa narration tant qu’elle resterait dans la chambre ; elle se retira donc, se flattant de tirer adroitement ce secret, soit du jeune lord, soit de son domestique, quand elle se trouverait seule avec l’un des deux.

« Au nom du ciel, qu’est-il arrivé ? dit Nigel Olifaunt… où avez-vous été, et qu’avez-vous fait ? Vous êtes pâle comme la mort ; il y a du sang sur votre main, et vos habits sont déchirés… quel métier avez-vous fait ? Il faut que vous ayez bu, Richard, et que vous vous soyez battu. — Pour m’être battu, cela est vrai, dit Richard, quoique j’en aie plus reçu que donné ; mais quant à avoir bu, ce serait chose malaisée dans cette ville que de se procurer des liqueurs quand on n’a pas le sou. Pour ce qui est ensuite du métier que j’ai fait, c’est un diable de métier, car ma tête n’est pas de fer, pas plus que mon habit n’est une cotte de mailles, de sorte qu’un bâton m’a fracassé l’une, et en le tirant un peu brusquement, on m’a déchiré l’autre. Quelques vauriens mal élevés s’étaient avisés de dire du mal de mon pays, mais je crois en avoir débarrassé le pavé ; cependant l’essaim était trop nombreux pour moi, et à la fin j’ai reçu ce coup sur le crâne qui m’a fait tomber, après quoi on m’a porté sans connaissance près de la porte du Temple, dans une petite boutique où l’on vend ces petites machines qui servent à mesurer le temps comme un homme mesure une pièce de tartan, et puis on m’a saigné sans me consulter, et, au total, ils ont été tous assez honnêtes, particulièrement un vieux qui est notre compatriote, et dont je vous reparlerai plus tard. — Et quelle heure pouvait-il être alors ? demanda Nigel. — Les deux aiguilles de fer de l’horloge de l’église qui est tout près du port marquaient précisément six heures. — Et pourquoi n’êtes-vous pas rentré à la maison sitôt que vous avez été en état de le faire ? — Ma foi, milord, chaque pourquoi a son