Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/63

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très-excellente Majesté le roi, il n’y a pas de doute que Sa Majesté a eu l’honnêteté de retenir Richie pour réfléchir à la lettre de Votre Honneur, et lui faire une réponse convenable. » Ici dame Nelly était tombée par hasard sur un motif de consolation plus efficace ; car le jeune lord avait lui-même quelque espoir vague que son messager avait pu être retenu à la cour. (Cependant, malgré son inexpérience des affaires, il ne lui fallut qu’un moment de réflexion pour le convaincre du peu de probabilité d’une attente si contraire à tout ce qu’il avait entendu dire de l’étiquette, des lenteurs auxquelles on devait se préparer quand on avait la moindre requête à présenter. Il répondit donc, en soupirant, à sa compatissante hôtesse, qu’il doutait fort que le roi eût jeté un regard sur sa demande, et à plus forte raison qu’il la prît en considération.

« Voilà qui est parler comme un homme qui se laisse abattre, dit la bonne dame ; et pourquoi ne ferait-il pas autant pour nous que la gracieuse reine Élisabeth ? Il y a des gens qui sont pour un roi, et d’autres pour une reine ; mais moi je sais qu’un roi est ce qui nous convient le mieux, à nous autres Anglais. Ce brave gentilhomme ne va-t-il pas aussi souvent par eau à Greenwich, et n’emploie-t-il pas autant de bateliers et de mariniers de toute espèce que la feue reine ? N’accorde-t-il pas sa faveur royale à John Taylor, le poète batelier, qui sait manier la plume aussi bien qu’une paire de rames ? N’a-t-il pas établi une cour élégante à White-Hall, tout près de la rivière ? Ainsi donc, puisque le roi est si bon ami de la Tamise, je ne vois pas pourquoi Votre Honneur et tous ses sujets, mais Votre Honneur en particulier, n’obtiendraient pas satisfaction de lui. — C’est vrai, madame, c’est très vrai ; espérons pour le mieux… mais il faut que je prenne mon manteau et mon épée, et que je prie votre mari d’avoir la complaisance de d’enseigner la demeure du magistrat. — À coup sûr, monsieur, s’écria Nelly, c’est ce que je puis faire aussi bien que lui, car John n’a jamais eu de sa vie grande facilité à s’exprimer, quoique d’ailleurs je lui doive la justice de dire que c’est un bon mari, et un homme qui fait aussi bien ses affaires qu’aucun de ce quartier. Ainsi donc, il y a l’alderman qui tient toujours séance ouverte à Guildhall, tout près de Saint-Paul, et je vous assure qu’il entretient l’ordre dans la Cité autant que le peut la sagesse humaine ; et quant au reste, il n’y a de remède que la patience… Mais je voudrais être aussi sûre de recevoir 40 liv. st., que je le suis de voir revenir le jeune homme sans accident. »