Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/473

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dures : « Je suis fatigué de toutes ces giboulées de mars, ma jolie maîtresse, et je crois que vous ferez bien de conserver vos larmes pour quelque occasion plus pressante. Qui sait si un changement soudain de la fortune ne vous obligera pas bientôt à en répandre beaucoup plus que vous ne le pensez ? — Bon Dieu, milord, que signifient ces paroles ? John Christie… (l’excellent homme !) n’avait point de secrets pour moi, et j’espère que Votre Seigneurie ne me cachera rien. — Asseyez-vous près de moi sur ce banc, dit le gentilhomme ; je suis obligé de m’arrêter quelque temps, et si vous pouvez vous taire, je voudrais en passer une partie à réfléchir jusqu’à quel point je puis, dans l’occasion présente, suivre le respectable exemple que vous me recommandez. »

L’endroit où ils s’arrêtèrent n’était plus guère, à cette époque, qu’un rempart entouré en partie d’un fossé ; c’est ce qui lui avait fait donner le nom de Camlet-Moat. Il y avait encore quelques pierres de taille qui avaient échappé au sort de plusieurs autres dont on s’était servi pour construire différentes cabanes habitées par les gardes forestiers de la cour. Ces vestiges, qui servaient encore à indiquer que jadis ces lieux avaient été habités par des hommes, offraient les ruines de la demeure d’une famille autrefois illustre, mais oubliée depuis long-temps, les Mandeville, comtes d’Essex, auxquels avaient anciennement appartenu la chasse d’Enfield et les immenses domaines qui en dépendaient. L’œil embrassait la perspective d’un bois agreste, et parcourait, dans diverses directions, de larges allées à perte de vue, qui se réunissaient dans ce lieu comme dans un centre commun, et divergeaient les unes des autres, à mesure qu’elles s’éloignaient. Ce lieu avait été choisi par lord Dalgarno pour servir de rendez-vous au duel qu’il avait proposé par le canal de Richie Moniplies à cet ami si cruellement outragé, lord Glenvarloch.

« Il viendra sans doute, » dit-il en lui-même ; « on ne peut pas lui reprocher d’être poltron… du moins, il a montré assez de hardiesse dans le parc… Peut-être que ce rustre ne lui aura pas porté mon message ? mais non, c’est un drôle bien déterminé, un de ces gens qui estiment l’honneur de leur maître plus que leur vie. — Aie l’œil au palefroi, Lutin, prends garde qu’il ne s’échappe, et jette ton regard de faucon dans les avenues pour m’avertir quand tu verras venir quelqu’un. Buckingham a reçu mon défi, mais l’orgueilleux favori, sous prétexte de remplir les ordres ridicules de son souverain, refuse de me répondre. Si je puis