Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/470

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qui la laissait jaser sans avoir l’air de la remarquer, et quelquefois interrompait le fil de sérieuses réflexions pour lui répondre.

« Mais, milord… milord, vous marchez si vite que vous me laisseriez derrière vous… Je veux prendre votre bras ; mais comment faire avec mon masque et mon éventail ? Pourquoi n’avez-vous pas voulu que j’emmenasse mademoiselle ma femme de chambre pour me suivre et pour tenir mes affaires ? Mais voyez ! je vais mettre mon éventail dans ma ceinture ; comme cela maintenant, je peux prendre votre main, vous ne m’échapperez pas. — Avancez donc, répondit le monsieur, marchons vite, puisqu’on n’a pu vous persuader de rester avec mademoiselle votre femme de chambre, comme vous l’appelez, et le reste de votre bagage… vous pourrez voir un spectacle qui ne vous sera nullement agréable. »

Elle prit donc son bras ; mais, comme il marchait toujours du même pas, elle le quitta bientôt, en s’écriant qu’il lui avait fait mal à la main. Le gentilhomme s’arrêta pour regarder la main et le joli bras qu’elle lui montrait en se récriant contre sa cruauté. « Je ne doute pas, » dit-elle, en découvrant son poignet et une partie de son bras, « qu’il ne soit noir et bleu jusqu’au coude. — Je ne doute pas que vous ne soyez une petite folle, » dit le voyageur en baisant d’un air caressant le bras qu’il avait meurtri. « Ce n’est qu’une légère rougeur qui fait ressortir les veines bleues avec plus d’avantage. — Ah ! milord, c’est maintenant vous qui dites des folies, répondit la dame ; mais je suis bien aise de pouvoir vous faire parler et rire ce matin de quelque manière que ce soit. Si j’ai voulu vous suivre à toute force dans la forêt, ce n’était que pour vous divertir. Je me flatte que ma société vaut bien celle de votre page. Et maintenant, dites-moi, ces jolies petites choses avec des cornes, ne sont-ce pas des daims ? — Précisément, Nelly, » répondit négligemment son compagnon.

« Et que font donc les grands personnages d’un aussi grand nombre de ces animaux ? — Ils les envoient à la ville, Nelly, où des hommes habiles font des pâtés de venaison de leur chair, et des trophées de leurs cornes, » répondit lord Dalgarno, que notre lecteur a déjà sans doute reconnu.

« Bah ! vous vous moquez de moi, milord, répondit sa compagne ; mais je sais ce que c’est que le chevreuil ; quoique vous en disiez : j’en mangeais toujours une fois l’an quand nous dînions chez M. le Député : » elle continua de parler d’un air triste,