Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/464

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nion de leurs moyens, n’était pas fâché de jouer le rôle de consolateur, ce qui lui donnait l’occasion de déployer sa supériorité ; car la plupart du temps celui qui console est supérieur à celui qui reçoit les consolations ; aussi se livra-t-il tout à son aise au plaisir de parler. Sans pitié pour le pauvre pénitent, il le condamna à écouter une longue et ennuyeuse harangue composée de beaux lieux communs sur l’instabilité des choses humaines.

De là, il s’étendit longuement sur les grands avantages de la patience dans le malheur, sur la folie de se chagriner pour une chose sans remède, et sur la nécessité d’être plus prudent à l’avenir ; il lui fit aussi sur le passé quelques reproches dont il jugea la sévérité nécessaire pour vaincre l’obstination du coupable pénitent : tel Annibal se servit de vinaigre pour se frayer un chemin à travers les rochers. Il n’entrait pas dans la nature humaine d’endurer en silence ce torrent d’éloquence vulgaire, et soit que Jin Vin désirât arrêter ce flux de paroles dont on lui remplissait les oreilles, et que repoussait sa raison, soit qu’il ajoutât foi aux protestations d’amitié de Richie (ce que les malheureux, dit Fielding, sont toujours disposés à croire), soit encore qu’il espérât trouver quelque soulagement à ses chagrins en les épanchant, il leva la tête, et tournant vers Richie ses yeux rouges et gonflés de larmes :

« Morbleu ! tais-toi seulement, et tu sauras tout. Tout ce que je te demande, c’est que tu me donnes une poignée de main, et que tu me laisses aller… Cette Marguerite Ramsay… vous l’avez vue, n’est-il pas vrai ? — Une fois, dit Richie, une seule fois chez maître George Heriot, rue des Lombards… je me trouvais dans la salle pendant le dîner. — Et vous aidiez même à changer les assiettes, si je m’en souviens bien, dit Jin Vin. Eh bien ! cette jolie fille (car je souviens qu’il n’y en a pas de plus jolie entre Saint-Paul et le Temple-Bar) est sur le point d’épouser lord Glenvarloch ; que la peste soit de lui ! — Cela est impossible, s’écria Richie, c’est une bêtise qui tient de la folie. On vous fait avaler des poissons d’avril, à vous autres badauds, tous les jours de l’année. Lord Glenvarloch épouserait la fille d’un artisan de Londres ! J’ajouterais plutôt foi au mariage du grand-prêtre Jean avec la fille d’un colporteur juif. — Quoique je sois malheureux, je ne permettrai pas qu’on parle mal de la Cité : entendez-vous bien cela, mon frère ? — Je vous demande pardon, l’ami, je n’avais pas l’intention de vous fâcher, mais quant au mariage dont vous parlez,