Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/463

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homme en état de vous donner l’un et l’autre, et très-disposé à vous rendre ce service.

L’obstination de l’Écossais triompha enfin de la mauvaise humeur de Vincent, qui était en effet si agité et si peu en état de savoir ce qu’il devait faire et quel parti prendre, que son incertitude l’amenait facilement à faire ce que les autres voulaient. Il se laissa donc conduire dans la petite taverne que Richie lui avait recommandée, et où ils se placèrent bientôt dans un petit coin commode, où ils se firent apporter un pot tout fumant d’un vin blanc brûlé, avec du sucre dans un sucrier de papier. On leur donna aussi des pipes et du tabac ; mais il n’y eut que Richie qui s’en servit. Il avait depuis peu adopté cet usage, qui ajoutait beaucoup à la gravité et à l’importance de ses manières, et qui, pour ainsi dire, coïncidait d’une manière agréable et flatteuse avec les paroles de sagesse qui s’échappaient à chaque instant de ses lèvres. Après avoir rempli et vidé leurs verres en silence, Richie demanda encore une fois à son hôte où il allait lorsqu’ils s’étaient rencontrés si heureusement.

« Je vous ai déjà dit, répondit Jenkin, que je prenais le chemin de la perdition ; j’entends celui qui conduit à la maison de jeu. J’ai pris la résolution de risquer ces deux ou trois pièces, afin de gagner ce qu’il me faudra pour payer ma traversée au capitaine Sharker, dont le vaisseau, qui est à Gravesend, doit partir pour l’Amérique. J’ai déjà rencontré un diable sur ma route, qui aurait bien voulu me détourner de mon projet, mais je l’ai rejeté loin de moi. Qui sait si vous n’en êtes pas un autre ? Jusqu’à quel point voulez-vous que je me damne, et quel prix me proposeriez-vous ? — Je veux que vous le sachiez, répliqua Richie, je ne trafique de ces marchandises ni comme acheteur ni comme vendeur. Mais si vous voulez me dire en homme de bonne foi la cause de votre détresse, je ferai tout ce que je pourrai pour vous en tirer, ne voulant pas cependant trop prodiguer les promesses jusqu’à ce que je sois bien au courant de votre affaire, tel qu’un médecin habile qui n’ordonne des remèdes qu’après avoir bien observé les symptômes du mal. — Mes affaires ne regardent personne, » dit le pauvre garçon croisant ses bras sur la table, et laissant tomber sa tête d’un air d’humeur et d’abattement, ressemblant dans cette attitude au lama accablé sous le poids de son fardeau, et qui se laisse mourir pour échapper au désespoir.

Richie Moniplies, comme la plupart de ceux qui ont bonne opi-