Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/451

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on voyait sur sa table une des meilleures pendules de David Ramsay, dont son œil observait souvent le mouvement, tandis qu’un garçon, qui lui servait de copiste, sortait de temps en temps pour comparer sa marche avec celle de l’horloge de Saint-Dunstan. Le scribe lui-même paraissait fort agité. Il tira d’un coffre-fort un paquet de parchemin, et en lut quelques passages avec une grande attention ; puis il se mit à se parler ainsi tout seul : « La loi ne peut suggérer aucun moyen échappatoire… aucun faux-fuyant… si les terres de Glenvarloch ne sont pas rachetées avant midi sonné, lord Dalgarno en est possesseur à bon marché… Chose étrange qu’il ait fini par braver son patron et par mettre la main lui-même sur les beaux domaines de la possession desquels le puissant Buckingham se flattait depuis si long-temps !… André Skurliewhitter ne pourrait-il pas le jouer à son tour ? Il a été mon patron, il est vrai ; mais Buckingham ne fut pas moins le sien, et maintenant il ne peut plus me servir, car il va partir pour l’Écosse. J’en suis bien aise… je le hais et je le crains. Il connaît trop mes secrets, et moi je connais trop les siens. Mais, non, non, non ; il serait trop dangereux de l’entreprendre, il n’y a pas moyen de l’attraper…. Eh bien, Willie, quelle heure est-il ? — Retournez à votre pupitre, enfant, » reprit l’homme d’affaires après avoir entendu la réponse de Willie. « Que ferai-je maintenant ? je perdrai l’honnête clientèle du vieux comte, et, qui pis est, la pratique moins honnête de son fils. Le vieil Heriot y regarde de trop près dans les affaires pour me laisser rien au-delà des misérables honoraires qui me reviennent. La clientèle de White-Friars était lucrative ; mais elle est devenue dangereuse depuis que… Bast !… pourquoi donc cette idée-là me revient-elle maintenant ? Je ne puis presque tenir ma plume. Si l’on me voyait dans cet état ! Willie (appelant à haute voix le jeune garçon), un verre d’eau distillée ! ah ! bon ; maintenant je pourrais affronter le diable. »

Il dit tout haut ces derniers mots et tout près de la porte de son appartement, qui fut soudainement ouverte par Richie Moniplies, suivi de deux messieurs et de deux porteurs chargés de sacs d’argent. « Si vous pouvez affronter le diable, maître Skurliewhitter, dit Richie, vous n’en serez que mieux disposé à regarder en face quelques sacs d’argent que j’ai pris la liberté de vous apporter… Satanas et Mammon sont proches parents. « Pendant ce temps les porteurs se déchargèrent de leur fardeau qu’ils rangèrent sur le plancher.