Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/441

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et finit par étonnement[1]. — Vous êtes un scélérat endurci, Dalgarno, et si j’étais à la place de la fille, par la tête de mon père, j’aimerais mieux supporter la honte d’avoir été votre concubine que de courir le risque de devenir votre femme ; mais elle sera sous notre protection spéciale… Allons, milords, nous allons assister nous-même à cette joyeuse noce. » Le roi donna le signal du départ en se levant lui-même et se dirigeant vers la porte. Tout le monde le suivit, ainsi que lord Dalgarno, qui, ne parlant à personne et personne ne lui parlant, avait cependant l’air aussi à son aise, dans sa démarche et tous ses mouvements, que s’il eût été en effet le plus heureux des époux.

Ils arrivèrent à la chapelle par une porte secrète qui communiquait avec l’appartement du roi. L’évêque de Winchester, dans ses habits pontificaux, était à côté de l’autel : de l’autre, Monna Paula soutenait la forme décolorée et presque inanimée de lady Hermione ou Erminia Pauletti. Lord Dalgarno la salua profondément ; et le prince, remarquant l’horreur avec laquelle elle recevait ce salut, s’approcha d’elle et lui dit avec beaucoup de dignité : « Madame, avant de vous mettre sous l’autorité de cet homme, permettez-moi de vous apprendre qu’il a rendu la justice la plus complète à votre honneur relativement à vos premières liaisons ; c’est à vous de réfléchir s’il vous convient de confier votre bonheur et votre fortune aux mains de celui qui s’est montré si indigne d’un tel dépôt. »

La dame dans son trouble eut de la peine à trouver des expressions pour répondre : « Je dois aux bontés de Sa Majesté, dit-elle, d’avoir daigné prendre le soin de me faire réserver une portion de ma fortune, suffisante pour m’assurer une existence honnête. Le reste ne peut être mieux employé qu’à racheter la bonne réputation dont je suis privée, et la liberté de finir mes jours dans le repos et la retraite. — Le contrat, reprit le roi, a été dressé sous vos yeux : il décharge spécialement le mari de potestas maritalis, et il y est stipulé que les époux vivront séparés. Ainsi donc, liez-les, mons l’évêque, le plus vite que vous pourrez, afin qu’ils se séparent tout de suite. »

L’évêque, en conséquence, ouvrit son livre, et commença la cérémonie du mariage dans des circonstances bien bizarres et sous de bien tristes auspices. Les réponses de l’épouse ne furent exprimées que par une inclination de tête, tandis que celles du

  1. Allusion aux prières du mariage selon la liturgie anglaise. a. m.