Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/438

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après avoir modestement donné à entendre qu’il y avait plus d’un fils qui n’était pas en état de remplacer son père, quoique personne ne soupçonnât son père d’avoir été remplacé, il s’informa si lord Dalgarno avait consenti à faire la réparation qu’il devait à lady Hermione.

« Ma foi, mon ami, je ne doute guère qu’il ne finisse par là, répondit le roi. Je lui ai donné l’état des biens qu’elle a dans ce monde, que vous nous avez remis dans le conseil, et nous lui avons laissé une heure pour faire ses réflexions. On a bien de la peine à l’amener à la raison. J’ai laissé Charles et Steenie lui indiquant son devoir ; et s’il peut résister à ce qu’ils veulent de lui, je voudrais bien qu’il m’en enseignât le moyen. Oh ! Geordie, Geordie ! c’était une belle chose que d’entendre fanfan Charles appuyer sur le crime de la dissimulation, et Steenie prêchant sur la turpitude de l’incontinence. — J’aurais craint, » dit Heriot avec plus de vivacité que de prudence, « que cela ne m’eût fait penser au vieux proverbe de Satan réprimandant le Péché. — Le diable soit de vous, voisin ! » dit le roi en rougissant, « vous ne vous gênez pas. Nous vous avons permis de parler librement ; mais, sur notre âme ! vous n’en laissez pas perdre le privilège non utendo[1] ; il ne souffrira pas la prescription entre vos mains. Pensez-vous qu’il soit convenable que fanfan Charles découvre publiquement ses pensées ?.. Non, non, les pensées des princes sont arcana imperii[2] ; qui nescit dissimulare nescit regnare[3]. Tout fidèle sujet est obligé de dire la vérité tout entière à son souverain, mais l’obligation n’est pas réciproque ; et si Steenie a été quelquefois un coureur de femmes, c’est à vous, qui êtes son orfèvre et à qui il doit, je n’en doute pas, des sommes énormes, à le lui jeter au nez. »

Heriot ne se crut pas obligé de jouer le rôle de Zénon, et de se sacrifier pour soutenir la cause de la vérité morale ; cependant il ne désavoua pas ses paroles, mais il se contenta d’exprimer le regret d’avoir offensé son maître ; ce qui suffit pour apaiser le bon roi.

« Maintenant, l’ami, termina le roi, nous allons trouver le coupable, et entendre ce qu’il a à nous dire ; car je veux voir cette affaire éclaircie dans ce bienheureux jour. Il faut que vous veniez avec moi, car votre témoignage peut être nécessaire. »

  1. Par désuétude. a. m.
  2. Secrets d’état. a. m.
  3. Qui ne sait pas dissimuler ne sait pas régner. a. m.