Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/436

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d’une très-bonne naissance et d’une réputation irréprochable. — J’en suis fâché, » s’écria lord Huntingten ; puis se reprenant, il ajouta : « Que le ciel me pardonne mon ingratitude pour une telle consolation !… mais je suis presque fâché qu’elle soit telle que vous la représentez ; c’est bien plus que ne méritait l’infâme ! être condamné à épouser une femme belle, vertueuse, et d’une naissance honnête. — Et riche, riche, qui plus est, milord, ajouta le roi : c’est un sort plus doux que ne le méritait sa perfidie… — Il y a long-temps, » dit le père avec amertume, « que je m’étais aperçu qu’il était insensible et égoïste… mais un imposteur, un parjure !… Je n’aurais jamais cru que ma race fût souillée d’une tache semblable… Je ne le reverrai de ma vie… — Bah ! bah, milord, reprit le roi, il faut que vous le tanciez vertement. Je conviens que vous aurez raison de lui parler plutôt dans le style de Demea que dans celui de Mitio, vi nempe et via pervulgata patrum[1] ; mais, quant à ne jamais le revoir, lui, votre fils unique, il n’y a pas de raison là-dedans. Je vous dis, mon ami (et je ne voudrais pas, pour rien au monde, que fanfan Charles m’entendît), que mon fils, à moi, pourrait enjôler la moitié des filles de Londres avant que je pusse trouver le courage de lui dire des paroles aussi dures que celles que vous venez de prononcer contre votre diable de Dalgarno. — Votre Majesté voudrait-elle bien me permettre de me retirer, dit lord Huntinglen, et arranger cette affaire d’après ses idées royales de justice ? car je ne veux pas qu’il lui soit fait de grâce. — Eh bien ! milord, ainsi soit-il ! et si Votre Seigneurie, ajouta le monarque, pense qu’il soit en notre pouvoir de faire quelque chose pour la consoler… — La généreuse compassion de Votre Majesté, répondit lord Huntinglen, m’a déjà procuré toute la consolation que je puis espérer dans ce monde ; le reste doit venir du Roi des rois. — C’est à lui que je vous recommande, mon vieux et fidèle serviteur, » dit Jacques avec émotion.

Lorsque le comte se fut retiré de sa présence, le roi resta plongé dans la réflexion pendant un moment, puis il dit à Heriot : « Geordie, vous connaissez depuis trente ans toutes les intrigues secrètes de notre cour, quoique, eu homme sage, vous écoutiez, voyiez et ne disiez rien ; cependant il y a une chose que je voudrais savoir pour en faire le profit d’une observation philosophique… N’avez-vous jamais entendu dire que l’ancienne com-

  1. Avec le ton d’autorité que prennent ordinairement les pères. a. m.