Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/43

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il ouvre la bouche devant toutes les boutiques, comme s’il voulait avaler les marchandises… Oh ! Saint-Dunstan l’a rempli d’admiration, Dieu veuille qu’il n’avale pas les statues ! Regardez comme il reste étonné à la vue d’Adam et d’Ève jouant leur carillon. Allons, Frank, toi qui es un savant ! explique-moi ce que c’est que ce garçon-là avec sa casquette bleue et une plume de coq dessus pour montrer la noblesse de son sang, ses yeux gris, ses cheveux blonds, son épée à poignée de fer, son habit tout usé, sa marche à la française, son regard espagnol… un livre à sa ceinture et un petit poignard de l’autre côté, ce qui indique en lui un demi-pédant et un demi-tapageur. Comment appelez-vous cette pièce curieuse ? — Un franc Écossais, dit Tunstall, tout fraîchement arrivé ici, je suppose, pour aider le reste de ses compatriotes à ronger les os aux braves habitants de la vieille Angleterre… C’est une chenille, je crois, qui vient dévorer ce que les sauterelles ont épargné.


Au beau pays d’Écosse il reçut la naissance ;
Tout gueux qu’il soit, il faut nourrir son indigence.


— C’est cela même, Frank, répondit Vincent. — Chut ! dit Tunstall ; n’oublions pas que notre maître en est… — Bah ! répondit son pétulant camarade, notre maître sait de quel côté son pain est beurré, et je vous garantis qu’il n’a pas vécu si longtemps parmi des Anglais, et aux dépens des Anglais, pour nous en vouloir de notre esprit anglais… Mais voyez, notre Écossais a fini de contempler Saint-Dunstan, et le voilà qui vient de notre côté. Ma foi, en l’examinant bien, c’est un garçon vigoureux en dépit des taches de rousseur et du hâle dont son visage est couvert… Il s’approche encore davantage, je m’en vais lui parler…

— Et prenez garde, dit son camarade, que cela ne finisse par quelques os cassés, car il n’a pas l’air d’un garçon fort endurant.

— Je m’en moque, reprit Vincent ; et s’adressant à l’étranger : Achetez une montre, illustre chef du Nord ; achetez une montre pour compter le nombre des heures d’abondance qui se sont écoulées pour vous depuis le bienheureux moment où vous tournâtes le dos à Berwick… Achetez des lunettes pour mieux voir ces Anglais prêts à devenir votre proie ; achetez ce que vous voudrez… vous aurez crédit pour trois jours ; car vos poches fussent-elles aussi vides que celles du père Fergus, vous êtes Écossais, et vous voici à Londres, c’est-à-dire que vous aurez le temps de les remplir d’ici là. »