Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/389

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pour découvrir celui qui vous a fait cet outrage, d’autant plus que, du moins je le soupçonne, ce fut moi qui, en logeant dans votre maison, y amenai indirectement le séducteur. — Je suis bien aise que Votre Seigneurie convienne au moins de cela, » dit John Christie en reprenant le ton de raillerie amère avec lequel il avait commencé cette étrange conversation. « Je vous épargnerai mes représentations et mes reproches : votre parti est pris, et le mien l’est aussi… Holà ! gardien ! » Le gardien entra, et John continua : « Faites-moi sortir, l’ami, et veillez bien sur votre prisonnier… Il vaudrait mieux que la moitié des animaux sauvages qui sont là-bas dans leurs cages fussent lâchés sur Tower-Hill, que de laisser rentrer dans la société des honnêtes gens ce galant à figure douce et à langue dorée. »

En parlant ainsi, il quitta brusquement l’appartement, et Nigel eut tout le loisir de gémir sur la bizarrerie de son sort, qui semblait ne pas se lasser de le persécuter pour des fautes qu’il n’avait pas commises, et de l’entourer des apparences de crimes qu’il avait en horreur. Il ne put cependant s’empêcher de reconnaître en lui-même qu’il avait en partie mérité le chagrin que lui causait l’accusation de Christie, en laissant croire, par vanité, ou plutôt par la crainte du ridicule, qu’il était capable de violer les lois de l’honneur et de l’hospitalité, parce que des écervelés et des sots ne voyaient là-dedans qu’une affaire de galanterie. Le souvenir de ce que Richie lui avait dit, que les jeunes gens de l’Ordinaire se moquaient de lui derrière son dos comme se donnant la réputation d’une intrigue qu’il n’osait réellement pas entreprendre, ne mit aucun baume sur sa blessure. En un mot, son peu de franchise et de courage dans cette occasion l’exposait, d’un côté, à passer pour un fanfaron, et à être raillé comme tel par les jeunes libertins auprès desquels la réalité de cette intrigue lui aurait fait honneur ; tandis que, de l’autre, il était flétri du nom de lâche séducteur par un mari outragé, obstiné à voir en lui le coupable.