Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/385

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Il essaya de le faire ; mais il en fut distrait, à chaque instant par des conjectures qui vinrent encore malgré lui se glisser dans son esprit, et qui toutes avaient plus de rapport à l’enfant endormi qu’à son propre sort. Il s’irrita contre lui-même, et se reprocha de se laisser ainsi dominer par un intérêt si impérieux pour quelqu’un dont il ne savait rien, sinon qu’il lui avait été imposé pour compagnon ; c’était peut-être même un espion… Mais en dépit de cette réflexion, il ne put dissiper le charme qui l’obsédait, et les pensées qu’il s’efforçait de chasser revinrent continuellement l’assaillir.

Ainsi se passa un peu plus d’une demi-heure, au bout de laquelle le bruit peu harmonieux des verrous qu’on tirait se fit encore entendre, et la voix du geôlier annonça qu’un homme désirait parler à lord Glenvarloch. « Un homme qui veut me parler ! dans ma position ! que peut-il être ? » John Christie, son ancien hôte du quai Saint-Paul, vint mettre un terme à son incertitude en se présentant devant lui. « Eh ! bonjour, mon digne hôte ! — Soyez le bienvenu, s’écria lord Glenvarloch. Comment aurais-je pu penser que je devais vous revoir dans cet étroit logement ? » et en même temps, avec toute la franchise d’une ancienne amitié, il s’approcha pour lui offrir la main ; mais John se recula en tressaillant, comme s’il eût voulu se soustraire au regard d’un serpent.

« Faites-moi grâce de vos politesses, milord, répondit-il d’un ton bourru ; « j’en ai déjà eu assez pour vous dispenser du reste pendant toute ma vie. — Comment donc, maître Christie, que veut dire cela ? j’espère que je ne vous ai pas offensé ? — Ne me faites aucune question, milord, » dit Christie brusquement, — « je suis un homme pacifique : je ne viens pas vous chercher querelle dans le lieu où les circonstances vous ont amené. Imaginez-vous seulement que je suis bien instruit de toutes les obligations que j’ai à Votre Honneur, et apprenez-moi, en aussi peu de mots que possible, où est cette malheureuse femme ; qu’en avez-vous fait ? — Ce que j’en ai fait ? fait de qui ? je ne sais pas de quoi vous voulez parler. — Oui, oui, milord, efforcez-vous de jouer la surprise ; cela n’empêche pas que vous ne deviez fort bien savoir que je veux parler de la pauvre insensée qui fut ma femme jusqu’au jour où elle devint la maîtresse de Votre Seigneurie. — Votre femme ? Est-ce que votre femme vous aurait quitté ? Et dans ce cas, est-ce à moi que vous devez la redemander ? — Oui, milord,