Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/370

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et du diable si aucun de nos fainéants de chasseurs en aura avec moi le mérite ! Un cerf de huit cors, et le premier de la saison ! Bast et Battie, vous êtes de beaux chiens ; c’est à vous à faire. Baisez-moi, mes enfants, baisez-moi ! » Les lévriers en conséquence vinrent sauter sur lui, le lécher de leur gueule encore toute sanglante ; de telle sorte qu’ils l’eurent bientôt mis dans un tel état qu’on aurait pu dire que la trahison avait accompli son œuvre sanguinaire sur sa personne sacrée… « À bas ! à bas, drôles ! » s’écria le roi, presque renversé par les caresses tant soit peu violentes de deux énormes lévriers… « Mais vous êtes comme bien d’autres gens ; si l’on vous donne un pouce, vous en prenez quatre… Et qui êtes-vous, l’ami ? » dit-il, trouvant alors le loisir de remarquer Nigel, et de voir ce qui lui était échappé dans le premier transport de sa passion favorite ; « vous n’appartenez pas à notre suite… De par Dieu ! qui êtes-vous donc ? — Un homme bien malheureux, sire, répondit Nigel. — Oh ! je n’en doute pas, » répondit le roi sèchement, « s’il en était autrement je ne vous aurais pas vu ; mes sujets ont soin de garder tout leur bonheur pour eux ; mais aussitôt que leurs affaires se gâtent, je suis sûr d’avoir de leurs nouvelles. — Et à qui pouvons-nous porter nos plaintes, si ce n’est à Votre Majesté, qui est pour nous l’envoyé de Dieu sur la terre ? répliqua Nigel. — C’est vrai, l’ami ; c’est bien parlé, reprit le roi : mais encore faudrait-il laisser quelque repos à l’envoyé de Dieu. — Si Votre Majesté daigne jeter un regard sur moi, » dit Nigel ; car le roi avait été jusque-là si occupé de l’opération mystique de rompre, ou, suivant la phrase vulgaire, de découper le cerf, qu’il avait à peine regardé celui auquel il parlait… « vous verrez que la nécessité seule me donne la hardiesse de profiter d’une circonstance qui peut ne se présenter jamais. »

Le roi Jacques le regarda, et il pâlit visiblement sous le sang du cerf qui lui couvrait le visage. Il laissa tomber le couteau qu’il tenait à la main, jeta derrière lui un regard inquiet, comme s’il eût médité de s’enfuir, ou qu’il eût attendu qu’on vînt à son aide, et s’écria : « Glenvarlochides ! aussi vrai que je m’appelle Jacques Stuart, voilà une belle affaire, et moi qui suis tout seul, et à pied encore ! » ajouta-t-il en s’empressant de chercher à remonter à cheval.

« Veuillez me pardonner d’être si importun, sire, » dit Nigel en se plaçant entre le roi et son cheval : « daignez m’entendre un seul instant. — Je vous entendrai mieux à cheval, répliqua le