Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/369

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et quels que fussent ses sentiments, il n’eut pas le temps de s’y abandonner.

Un seul cavalier suivait la chasse sur un cheval si complètement soumis au frein, qu’il obéissait au moindre mouvement de la bride, comme la mécanique la plus ingénieuse obéit à l’impulsion d’un ressort ; de sorte que, bien enfoncé dans sa selle et assis de manière à rendre une chute presque impossible, le cavalier, sans rien craindre ni hésiter, pouvait augmenter ou diminuer la rapidité de son allure, ce qui, même dans les moments les plus animés de la chasse, n’allait guère au-delà d’un demi-galop, le cheval détalant sous lui et ne dépassant jamais le pas réglé du manège : la sécurité dont ce cavalier jouissait en prenant un plaisir dangereux pour tant d’autres, caractérisait le roi Jacques… On ne voyait auprès de lui aucun des gens de sa suite ; c’était même souvent un raffinement de flatterie que de laisser croire au souverain qu’il avait devancé tous les autres chasseurs.

« Fort bien, Bast ! fort bien, Battie ! » s’écria-t-il en s’approchant. « Foi de roi, vous faites honneur aux montagnes de Balwhidder ! Tenez mon cheval, l’ami, » ajouta-t-il en appelant Nigel, sans s’arrêter pour regarder celui auquel il s’adressait ; « tenez mon cheval, et aidez-moi à mettre pied à terre… Que le diable vous emporte ! ne pouvez-vous vous hâter avant que ces paresseux arrivent ?… Attachez la bride ; prenez garde que l’animal ne bouge… Maintenant, tenez l’étrier ferme ; bon, c’est cela, et nous voilà sur la terre ferme. » En parlant ainsi, sans jeter un regard sur celui qui l’aidait, le gentil roi Jacques, dégainant le couteau de chasse qu’il portait à son côté, et qui était la seule arme ressemblant à une épée dont il pût supporter la vue, l’enfonça avec beaucoup de satisfaction dans la gorge de l’animal, et mit ainsi un terme à son agonie et à ses souffrances.

Lord Glenvarloch, qui était parfaitement au courant de ce que la circonstance exigeait de lui, attacha la bride du palefroi royal à un arbre voisin ; et s’agenouillant respectueusement, retourna le cerf mort sur le dos, et tint le carre dans cette position, tandis que le roi, trop occupé du succès de sa chasse pour rien remarquer au-delà, plongea son couteau dans la poitrine de l’animal, secundum artem, et y ayant fait une incision pour s’assurer de l’épaisseur de la graisse sur les côtes, il s’écria avec une espèce de transport : « Trois pouces de graisse blanche sur le bréchet ! c’est ce qu’il y a de mieux… aussi vrai que je suis un pécheur couronné ;