Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/363

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importante d’un Anglais qui fait bien ses affaires. Ned Kilderkin parlait avec autant de laconisme qu’écrit un banquier. Sur la question que lui fit Nigel, si sir Mungo Malagrowther était là, il répondit : « Non ; » quand il lui demanda ensuite s’il l’attendait, il dit : « Oui ; » et étant encore interrogé pour savoir quand, il répondit : « Tout à l’heure. » Lord Glenvarloch ayant demandé à déjeuner, l’hôte, sans daigner perdre une parole pour lui répondre, le conduisit dans une chambre fort propre où il y avait plusieurs tables ; il avança un fauteuil devant l’une d’elles, en faisant signe au jeune lord d’en prendre possession. Au bout de quelques minutes, il lui apporta un solide déjeuner, composé de bœuf rôti, avec un pot de bière mousseuse ; et notre héros s’aperçut que, malgré ses inquiétudes et ses embarras, l’air vif de la rivière l’avait disposé à y faire honneur.

Pendant que Nigel s’occupait ainsi de satisfaire son appétit, tout en levant la tête chaque fois qu’il entendait la porte s’ouvrir, désirant impatiemment voir arriver sir Mungo (événement qui n’avait pas été souvent attendu avec autant d’intérêt), un personnage, dont l’importance semblait au moins égale à celle du chevalier, entra dans la salle et commença un colloque assez animé avec le publicain, qui jugea à propos de se tenir la tête découverte pendant la conférence. À son costume on pouvait deviner quelles étaient les fonctions de cet homme important : une jaquette blanche avec des hauts-de-chausses de drap blanc, un tablier de toile tourné autour de son corps en guise de ceinture, auquel, au lieu d’un poignard belliqueux, était suspendu un long couteau à manche de corne de cerf, et un bonnet blanc sous lequel ses cheveux étaient bien relevés, le faisaient reconnaître pour un de ces prêtres de Comus que le vulgaire appelle cuisiniers ; et l’air dont il tançait le publicain pour avoir négligé d’avoir envoyé certaines provisions au palais, montrait qu’il était au service du roi lui-même.

« Ça ne peut pas aller comme cela, dit-il, maître Kilderkin ; le roi a demandé deux fois des ris de veau et des crêtes de coq fricassées, qui sont les plats favoris de Sa Majesté très-sacrée, et qui ont manqué, parce que maître Kilderkin ne les a pas fournis à l’officier de la cuisine, comme il y était tenu par ses engagements. » Ici Kilderkin fit quelques excuses, mais d’une manière concise et conforme à son caractère, et qu’il murmura à voix basse, suivant l’habitude de tous ceux qui se trouvent dans l’embarras.