Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/350

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violente dans l’intérieur de la maison ; ce tumulte allait en grossissant de manière à prouver que les antagonistes avançaient vers la porte.

Le premier qu’on vit sortir était un homme d’une grande taille, dont les os étaient fortement prononcés, et la physionomie d’une gravité qui allait jusqu’à la mauvaise humeur. Il sortit de la boutique à la hâte, d’un pas semblable à celui d’un Espagnol en colère, qui, dédaignant de courir, condescend seulement, dans son plus grand emportement, à allonger ses enjambées. Aussitôt qu’il fut dehors il se retourna vis-à-vis de celui qui le poursuivait : c’était un homme d’un certain âge, qui avait une tournure décente et l’air d’un bon et honnête marchand, en un mot, rien moins que John Christie lui-même, le propriétaire de la boutique et de la maison, qui semblait être dans un état d’agitation qui ne lui était pas habituel.

« Je n’en veux pas entendre davantage, » dit le personnage qui avait d’abord paru sur la scène ; « je n’en veux pas entendre davantage. Outre que c’est un rapport aussi faux qu’impudent, comme je puis le prouver, c’est scaandalum magnaatum, monsieur, scaandalum magnaatum, » répéta-t-il en allongeant fortement la première voyelle, suivant l’accentuation bien connue des collèges d’Édimbourg et de Glasgow, que nous ne pouvons exprimer ici qu’en doublant cette première voyelle ; accent qui aurait réjoui les oreilles du monarque régnant s’il avait été à portée de l’entendre, car il était plus pointilleux sur la véritable prononciation de la langue romaine que sur aucune des prérogatives royales, quoique dans ce temps-là il s’en montrât si jaloux dans ses discours au parlement.

« Il m’importe fort peu quel nom vous lui donniez, répondit John Christie, je ne m’en soucie pas plus que d’une once de fromage pourri : mais c’est la vérité, je suis un Anglais libre, et j’ai le droit de dire ce que je pense dans mes propres affaires ; et je vous le répète, votre maître n’est qu’un vaurien, et vous, vous n’êtes autre chose qu’un drôle et un fanfaron, que je vais assommer tout à l’heure, et qui, comme je le sais fort bien, a déjà reçu la bastonnade pour de moindres sujets. »

En parlant ainsi il brandissait une espèce de petite pioche dont il se servait pour nettoyer les marches de sa petite boutique, et qu’il avait prise comme l’arme qui se trouvait plus à sa portée pour assaillir son ennemi. Il s’avança donc sur lui en le menaçant.