Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/343

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ouvert, vous pouvez aller par là. » Lord Glenvarloch prit la clef, et pendant qu’il allumait la lampe pour s’éclairer, elle crut lire sur sa physionomie quelque répugnance pour ce qu’il allait faire. « Vous avez peur, dit-elle : il n’y a pas lieu ; l’assassin et sa victime sont tous deux en paix. Prenez courage, j’irai moi-même avec vous, car vous ne trouveriez pas le ressort de la plaque, et la cassette serait peut-être trop lourde pour que vous puissiez la porter seul. — Ne craignez rien, ne craignez rien, » répondit lord Glenvarloch, honteux de l’interprétation qu’elle donnait à une hésitation momentanée, suite de ce sentiment de répugnance à voir un objet horrible, qu’éprouvent souvent les esprits les moins disposés à se laisser troubler par la présence d’un danger réel. » Je ferai exactement ce que vous désirez ; mais vous, vous ne devez ni ne pouvez songer à y aller. — Je le puis, je le veux, dit-elle ; je suis calme à présent ; vous voyez bien que je le suis. » En disant ces mots, elle prit un ouvrage commencé qui était sur la table, et avec beaucoup de sang-froid et de fermeté elle enfila une aiguille très-fine. « Aurais-je pu faire cela, » ajouta-t-elle avec un sourire plus effrayant encore que le regard fixe et désespéré qu’elle avait auparavant, « si mon cœur et ma main n’eussent pas été calmes ? » Alors elle passa devant, et monta rapidement l’escalier de la chambre de Nigel ; elle traversa le passage secret avec la même hâte, comme si elle eût craint que le courage ne lui manquât avant d’avoir accompli son dessein. Lorsqu’elle fut au bas du petit escalier, elle s’arrêta un moment avant d’entrer dans le fatal appartement ; puis elle le traversa d’un pas précipité pour passer dans la chambre qui était à côté ; lord Glenvarloch la suivait de près : l’aversion qu’il avait d’abord sentie à s’approcher de cette scène de carnage se perdait dans l’intérêt que lui inspirait la malheureuse femme qui avait survécu à cette sanglante tragédie.

Son premier soin fut d’écarter les rideaux du lit de son père. Les couvertures étaient jetées de côté et en désordre, sans doute à cause de la précipitation avec laquelle il était sorti de son lit pour aller s’opposer à l’entrée des brigands quand il les avait entendus dans l’autre appartement. Le mauvais matelas sur lequel il avait été couché conservait à peine la trace du corps maigre et usé du vieil usurier ; sa fille, tombant à genoux à côté du lit, adressa au ciel une courte et touchante prière, pour qu’il la soutînt dans son affliction et la vengeât des scélérats qui l’avaient privée d’un père,