Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/340

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nant le roi ? pourrais-tu me l’apprendre ? dit lord Glenvarloch. — Le roi ? Il est allé hier par eau à Greenwich, comme un noble souverain qu’il est, et qui navigue tant qu’il peut. Il devait chasser cette semaine ; mais ce projet a été abandonné, dit-on ; et le prince, le duc et toute la cour sont à Greenwich, tous gras et frétillants comme des goujons. — C’est bon, dit Nigel, je serai prêt à partir à cinq heures. Venez ici chercher mon bagage. — Oui, oui, mon maître, » répondit le batelier, qui sortit de la maison avec la troupe de débauchés qui avaient suivi le duc Hildebrod. Ce potentat recommanda à Nigel de fermer soigneusement la porte derrière lui, et lui montrant la fille de l’usurier assise au coin du feu, les membres étendus comme un être que la main de la mort a déjà marqué, il lui dit tout bas : » Souvenez-vous de notre marché et tenez bien nos conventions, si vous ne voulez pas que je coupe la corde de votre arc avant que vous puissiez tirer votre flèche. »

Sentant profondément l’extrême brutalité de l’homme qui pouvait lui conseiller de suivre de pareilles vues sur une malheureuse dans une telle position, lord Glenvarloch cependant parvint à rester assez maître de lui-même pour recevoir cet avis en silence, et en exécuter la première partie en fermant la porte soigneusement derrière le duc Hildebrod et sa suite, espérant secrètement qu’il n’en reverrait jamais aucun. Il retourna ensuite dans la cuisine, où était la malheureuse femme, les mains fortement serrées, les yeux fixes et les bras étendus comme une personne en extase. Touché de sa situation et de la perspective qui l’attendait, Nigel essaya de réveiller en elle le sentiment de l’existence par tous les moyens qu’il put employer ; et à la fin il parvint en quelque sorte à dissiper cette stupeur et à fixer son attention. Il lui expliqua que dans quelques heures il allait quitter White-Friars, que sa destination future était incertaine, mais qu’il désirait vivement savoir s’il ne pourrait pas lui être de quelque utilité en faisant connaître sa situation à quelqu’un de ses amis, ou de quelque autre manière. Elle parut avoir de la peine à le comprendre, et le remercia de ce ton brusque et bref qui lui était habituel : « Son intention pouvait être bonne, dit-elle, mais il devait savoir que les malheureux n’ont pas d’amis.

Nigel lui fit observer qu’il n’avait pas dessein de l’importuner ; mais que, comme il allait quitter White-Friars… Elle l’interrompit.