Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/331

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serres d’un faucon saisissent leur proie, puis faisant entendre un murmure de satisfaction, comme un vieux chien à qui on vient de donner à manger, et qui s’arrange pour se coucher, il suivit sa fille par une petite porte cachée derrière la tapisserie, et qu’on n’apercevait que lorsque celle-ci était relevée.

« Cette porte sera condamnée demain, » dit Martha à Nigel, parlant de manière à ne pas être entendue de son père, sourd d’ailleurs et tout occupé de son acquisition. « Cette nuit je continuerai à le veiller avec soin… Je vous souhaite un bon repos. »

Ce peu de mots, prononcés d’un ton plus civil, contenaient un souhait qui ne devait pas être accompli, quoique l’hôte de Traphois, immédiatement après son départ, se mît au lit.

Le sang de Nigel était agité, et les événements de la journée lui avaient causé une espèce de fièvre qui ne lui permettait de goûter aucun repos. Des pensées inquiètes et fatigantes se succédaient dans son esprit comme les flots d’une rivière agitée ; et plus il essayait de dormir, plus il se sentait éloigné d’atteindre son but. Il eut recours à toutes les ressources ordinaires en pareil cas, compta de un à mille, jusqu’à ce que sa tête en devînt confuse, fixa les restes mourants du feu jusqu’à avoir des éblouissements, écouta les sourds gémissements du vent, le balancement et le craquement des enseignes suspendues en dehors des maisons, et les aboiements interrompus d’un chien sans asile, jusqu’à ce que ses oreilles en fussent fatiguées.

Tout à coup, cependant, au milieu de ces sons monotones, il y en eut un qui le fit tressaillir. Il ressemblait au cri d’une femme : il se mit sur son séant pour écouter, et se rappela qu’il était dans l’Alsace, où des querelles de tous genres étaient communes ; mais un second cri, et bientôt plusieurs autres se succédèrent si rapprochés les uns des autres, qu’il se convainquit, quoique les sons fussent éloignés et sourds, qu’ils partaient de la maison qu’il habitait.

Nigel sauta du lit à la hâte, s’habilla à demi, prit son épée et ses pistolets, et courut à la porte de sa chambre : là il entendit les cris redoubler, et ils lui parurent venir de la chambre de l’usurier. Toute issue au corridor était entièrement fermée par la porte intermédiaire que le brave jeune lord secoua avec une vaine impatience. Mais le passage secret se présenta aussitôt à son esprit ; il se hâta de rentrer dans sa chambre, et eut de la peine à allumer une bougie, tant il était agité par les cris répétés qu’il entendait,