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des équations par Conike, amusant ouvrage, que cependant Nigel refusa. Elle lui offrit encore d’aller chercher quelques livres chez le duc Hildebrod, qui s’amusait parfois, le brave homme, à lire une page ou deux, quand les affaires d’état de l’Alsace lui en laissaient le loisir.

Nigel accepta cette proposition, et son infatigable Iris partit encore une fois en clopinant pour sa nouvelle ambassade. Elle ne tarda pas à revenir, tenant sous son bras un vieux bouquin in-quarto, tout déchiré, et ayant à la main une bouteille de vin de Canaries ; car le duc jugeant que la lecture toute seule était une occupation assez sèche, y avait joint le vin comme une espèce d’assaisonnement pour l’aider à passer, n’oubliant pas d’en ajouter le prix à celui des articles qu’il avait commencé à porter en compte le matin à l’étranger.

Nigel s’empara du livre, et ne refusa pas le vin, qui se trouva être de bonne qualité, pensant qu’un ou deux verres pourraient servir d’entr’actes à sa lecture. Il renvoya, avec ses remercîments et la promesse d’une récompense, la pauvre vieille femme qui l’avait servi avec tant de zèle, alluma ses bougies, arrangea son feu, et plaça le plus commode des vieux fauteuils de la chambre entre la cheminée et la table sur laquelle il avait dîné, et s’étant ainsi donné toutes ses aises et établi de la manière la plus agréable possible pour commencer sa lecture, il se mit à examiner le seul volume que la bibliothèque ducale de l’Alsace eût pu lui offrir.

Son contenu, quoique d’un genre assez intéressant, n’était pas de nature à dissiper les idées sombres qui l’assiégeaient. Le livre était intitulé : Vengeance de Dieu contre le meurtre[1]. Il ne s’agit pas ici, comme le lecteur bibliomane pourrait le supposer, de l’ouvrage que Reynolds publia sous ce titre imposant, mais d’une autre publication beaucoup plus ancienne, imprimée et vendue par le vieux Wolff, et dont un exemplaire se vendrait aujourd’hui au poids de l’or.

Nigel fut bientôt fatigué des histoires lamentables contenues dans ce livre, et essaya de tuer le temps d’une manière différente. Il mit la tête à la fenêtre ; mais la nuit était pluvieuse et accompagnée de coups de vent. Il tâcha de faire aller son feu ; mais les fagots étaient verts, et fumaient sans brûler. Naturellement so-

  1. Il n’existe que trois exemplaires de cet ouvrage : l’un appartient à la bibliothèque de Kennaquhair ; et les deux autres, dont le premier est mutilé et le second en bon état, sont entre les mains d’un membre éminent du club de Roxburgh, maintenant représentant d’une grande université.
    (Note du capitaine Clutterhuck)