Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/321

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— Sur ce point, milord, j’ai toujours entendu dire que vos compatriotes savaient fort bien de quel côté leur pain était beurré ; et vraiment, en parlant par ouï-dire, je ne connais pas de pays au monde où cinquante mille livres sterling, dis-je, procureront un meilleur accueil à une femme. Et ma foi, excepté un léger défaut dans l’épaule, mistress Martha Traphois a une tournure très-imposante et très-majestueuse ; et je ne serais pas étonné qu’elle vînt d’un sang plus noble qu’on ne pense, car le vieux Traphois n’a guère l’air d’être son père, et sa mère était une femme généreuse et libérale. — J’ai peur, répondit Nigel, que cette chance ne soit trop vague pour lui assurer une très-gracieuse réception dans une maison honorable. — Eh bien ! dans ce cas, milord, reprit Hildebrod, je pense qu’elle ne sera en reste avec personne ; car j’ose dire qu’elle a le caractère assez acariâtre pour tenir tête à tout votre clan. — Cela pourrait avoir son inconvénient pour moi, reprit Nigel. — Pas du tout, pas du tout, » répondit le duc, toujours fertile en expédients ; « si elle devenait trop récalcitrante, ce qui n’est pas improbable, votre honorable maison qui, je suppose, est un château, doit avoir des tours, des donjons et des cachots, et vous pouvez y faire renfermer votre nouvelle épouse dans les uns ou dans les autres ; alors vous n’entendrez plus sa langue, et elle sera au-dessus ou au-dessous du mépris de vos parents. — Sagement conseillé, très-équitable prince, et une telle captivité serait une juste récompense de la folie qu’elle aurait faite en me donnant de tels droits sur elle. — Vous goûtez donc mon projet, milord ? demanda le duc Hildebrod. — J’ai besoin de vingt-quatre heures pour réfléchir, dit Nigel, et je vous prierai de vouloir bien faire en sorte que je ne sois dérangé par aucun visiteur. — Nous rendrons un édit en conséquence, dit le duc. Et vous ne pensez pas, » ajouta-t-il en baissant la voix, prenant un ton confidentiel et commercial, « vous ne pensez pas que dix mille livres sterling soient une somme trop élevée à offrir au souverain pour droit de tutelle ? — Dix mille ! reprit lord Glenvarloch ; vous disiez cinq mille tout à l’heure. — Ah ! ah ! vous vous souvenez de cela ? « dit le duc en mettant le doigt à son nez. « Eh bien ! si vous m’avez écouté avec tant d’attention, c’est une preuve que vous pensez à l’affaire. Allons, allons, nous ne nous disputerons pas pour cette con-si-dé-ra-ti-on, comme dirait le vieux Traphois… Gagnez le cœur de la belle : cela ne vous sera pas difficile avec votre air et votre figure, et j’aurai soin que personne ne vous in-