Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sociable et bon voisin. Morbleu, monsieur ! nous couperions le nez à un homme qui nous regarderait de travers, nous autres bons garçons… oui, monsieur, nous le lui fendrions jusqu’au tendron, quand il n’aurait jamais respiré de sa vie que le musc, l’ambre et les odeurs de cour. Mort de ma vie ! je suis un militaire, et ne me soucie pas plus d’un lord que d’un allumeur des rues ! — Cherchez-vous une querelle, monsieur ? » dit Nigel avec froideur ; car, dans le fond il n’avait aucun désir de s’engager dans une affaire si peu honorable, dans un tel lieu, et avec un tel personnage.

« Une affaire, monsieur ? dit le capitaine… je n’en cherche pas, quoique je ne sois pas homme à la refuser… je voulais seulement vous faire entendre qu’il fallait être sociable, et voilà tout. Eh bien, que pensez-vous d’aller par eau faire un tour au jardin pour voir harceler un taureau ? Par la mort ! vous ne voulez donc rien faire ? — Pardonnez-moi ; dans ce moment je suis singulièrement tenté de faire une chose, dit Nigel. — Videlicet, » dit Colepepper d’un air rodomont ; « voyons, quelle est votre tentation ? — C’est de vous jeter par la fenêtre, la tête la première, à moins que vous ne vous hâtiez de prendre le chemin de l’escalier. — Me jeter par la fenêtre ! mort et furies ? s’écria le capitaine. Moi qui à Bude ai défié vingt cimeterres avec ma seule rapière, un mendiant de lord écossais à face blême osera parler de me jeter par la fenêtre… Ne m’arrêtez pas, vieux Pilori, laissez moi en faire un ragoût écossais… c’est un homme mort… — Pour l’amour du ciel ! messieurs, » s’écria le vieil avare en se jetant entre eux, « ne violez la paix pour aucune con-si-dé-ra-ti-on… Mon noble hôte, ne vous frottez pas au capitaine, c’est un Hector. Brave capitaine, redoutez mon hôte, c’est un Achille… »

Ici il fut interrompu par son asthme ; mais, néanmoins, il continua de s’interposer entre Colepepper, qui avait dégainé sa flamberge et affectait de faire des passes contre son antagoniste, et lord Nigel, qui avait été prendre son épée, et la tenait nue de la main gauche.

« Finissez cette mauvaise farce, drôle que vous êtes, dit Nigel ; croyez-vous venir m’effrayer ici par vos rodomontades, vos jurons, et tout cet étalage d’une bravoure que vous avez puisée dans la bouteille ? Vous semblez me connaître, et j’ai presque honte de dire que je me souviens de vous… Rappelez-vous le jardin de l’Ordinaire, misérable lâche, et la rapidité avec laquelle