Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/304

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White-Friars, n’empruntez d’argent à qui que ce soit, moins encore à mon père qu’à tout autre, car quoiqu’il ait l’air d’être en enfance, il vous attraperait ; enfin, et surtout, ne restez ici qu’autant que vous ne pourrez faire autrement… Adieu, monsieur. »

« Un arbre raboteux peut porter de bons fruits ; une personne dure et bourrue peut donner de bons conseils, » pensa Nigel en rentrant dans son appartement, où la même réflexion se représenta plus d’une fois à son esprit, pendant qu’incapable de se réconcilier avec la pensée de faire lui-même son feu, il se promenait de long en large dans sa chambre pour se réchauffer.

À la fin ses réflexions s’arrangèrent par degrés dans sa tête, et prirent la forme du soliloque suivant… non que je veuille dire, par cette expression, comme je demande la permission de le faire observer une fois pour toutes, que Nigel ait prononcé tout haut, en se promenant tout seul dans sa chambre, les paroles qui suivent entre deux guillemets ; mais c’est moi, qui désirant vous faire connaître les pensées et les secrètes réflexions de mon héros, ai emprunté la forme d’un discours plutôt que celle d’un récit : en d’autres termes, j’ai mis ses pensées en paroles : c’est là, je crois, le but du monologue sur la scène comme dans le cabinet ; c’est au moins la manière la plus naturelle, et peut-être la seule, de communiquer au spectateur ce qu’on suppose se passer dans l’esprit du personnage qui est en scène. De tels monologues n’existent pas dans la nature ; mais, si on ne les recevait pas comme un moyen convenu de communication entre le poète et l’auditoire, on réduirait les auteurs dramatiques à l’expédient de maître Puff, qui représente lord Purleigh communiquant un long raisonnement politique à son auditoire par un hochement de tête. Dans le récit, l’écrivain a sans doute le choix de nous dire que ses personnages ont pensé de telle et telle manière, fait telle et telle conjecture, et sont arrivés à telle et telle conclusion ; mais le soliloque est un moyen plus concis et plus animé d’apprendre au lecteur les mêmes choses : ceci posé, lord Glenvarloch se parla, ou aurait pu se parler ainsi à lui-même :

« Cette vieille fille a raison, et elle m’a donné une leçon dont je profiterai. J’ai été toute ma vie un être dépendant des autres, pour des services qu’il eût été bien plus noble de devoir à ma propre activité. Je suis honteux de sentir l’embarras qu’une longue habitude d’être servi me fait éprouver dans l’absence d’un domes-