Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/279

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Ici les larmes d’Hermione coulèrent si abondamment que son récit parut devoir en être interrompu. Elle le reprit en adressant une espèce d’excuse à Marguerite.

« Chaque circonstance, dit-elle, de ces derniers moments où je goûtais un bonheur illusoire est profondément gravée dans mon souvenir, tandis qu’à compter de cette époque le passé ne s’offre plus à ma mémoire qu’aussi aride ou dépouillé de variété et d’intérêt que les stériles déserts de l’Arabie ; mais je ne dois pas pour cela, ma chère Marguerite, dans l’agitation où vous jettent vos propres inquiétudes, vous fatiguer des vains détails de mes inutiles souvenirs. »

Les yeux de Marguerite étaient pleins de larmes ; et cependant il ne faut pas la blâmer sévèrement, si, tandis qu’elle pressait vivement sa bienfaitrice de continuer son récit, ses yeux se tournaient involontairement vers la porte, comme pour accuser Monna Paula de lenteur.

Lady Hermione vit et excusa ces diverses émotions contradictoires ; elle-même sentait le besoin d’indulgence. En se livrant avec trop de complaisance à l’épanchement de ses sentiments, et en détaillant trop minutieusement son récit, elle laissait assez voir qu’elle oubliait la situation de la jeune fille qui l’écoutait ; lady Hermione aurait dû penser que Marguerite était préoccupée d’intérêts plus personnels.

« Je vous ai dit, je crois, qu’un seul des deux domestiques avait suivi le cavalier, » reprit lady Hermione en continuant son histoire. « L’autre était resté avec nous dans le but, à ce qu’il me sembla, de nous faire connaître à deux personnes, que le signal de M…, je veux dire de mon mari, avait amenées près de nous. Il y eut quelques paroles d’explication entre elles et le domestique, dans un patois que je n’entendais pas, et l’un des étrangers prenant mon cheval par la bride, tandis que l’autre conduisait celui de Paula, ils nous menèrent vers la lumière qui, comme je l’ai déjà dit, avait été le signal de notre halte. Je touchai la main de Monna Paula, et je m’aperçus qu’elle tremblait beaucoup ; ce qui me surprit, lui connaissant un caractère aussi ferme et aussi hardi que celui d’un homme.

« Quand nous approchâmes du feu, l’aspect des figures égyptiennes qui l’entouraient, leur teint noir, leurs larges chapeaux, les pistolets et les poignards dont leur ceinture était garnie, enfin tout cet appareil d’une vie de vagabondage et de dangers, dans