Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/275

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importunités des prêtres qui entouraient son lit, et l’esprit de la secte sévère des réformés à laquelle elle avait secrètement appartenu lui rendit quelque vigueur. Elle avoua la religion qu’elle avait si long-temps cachée, refusa toute espérance, tout secours qui ne lui viendraient pas d’elle, repoussa avec mépris les cérémonies de l’Église de Rome, accabla les prêtres étonnés de reproches sur leur avarice et leur hypocrisie, et leur ordonna de quitter sa maison. Ils sortirent la rage dans le cœur, mais ce fut pour revenir avec le pouvoir inquisitorial, ses mandats et ses officiers… Ils ne trouvèrent plus que le cadavre de celle sur laquelle ils avaient espéré accomplir leur vengeance. On ne tarda pas à découvrir que j’avais partagé l’hérésie de ma mère ; je fus arrachée d’auprès de son corps, et enfermée dans un cloître solitaire où je fus traitée avec une sévérité que l’abbesse m’assura être due autant au dérèglement de ma vie qu’à mes erreurs spirituelles. J’avouai mon mariage, pour justifier la situation où je me trouvais ; et j’implorai le secours de la supérieure pour la communiquer à mon mari. Elle répondit à cette prière par un sourire de mépris, me dit que l’Église m’avait choisi un plus digne époux, et me conseilla de mériter la clémence divine dans l’autre monde, et un traitement plus doux dans celui-ci, en me préparant à prendre le voile. Afin de me convaincre que je n’avais pas d’autre ressource, elle me montra un ordre du roi, qui hypothéquait toute ma fortune sur le couvent de Sainte-Madeleine, et lui en assurait la propriété à ma mort, ou lorsque je prononcerais mes vœux. Comme mes principes religieux et l’attachement que je portais à mon mari se réunissaient pour me faire rejeter le voile, je crois (puisse le ciel me pardonner si je l’accuse injustement !) que l’abbesse désirait s’assurer de mes dépouilles en hâtant ma fin.

« C’était un chétif et misérable couvent situé au milieu des montagnes de Guadarrana. Quelques-unes des sœurs étaient les filles d’hidalgos du voisinage, aussi pauvres que fiers et ignorants ; d’autres étaient des femmes qu’on y avait enfermées à cause de leur mauvaise conduite. La supérieure elle-même appartenait à une grande famille à laquelle elle devait sa dignité d’abbesse, mais on disait qu’elle avait déshonoré ses parents par les désordres de sa jeunesse. Et maintenant, dans son âge avancé, l’avarice et l’amour du pouvoir, réunis à un esprit de sévérité et de cruauté, avaient succédé à la soif des plaisirs licencieux… Je