Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/274

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prises dans la maison de la dame dont j’ai parlé, et qui, par légèreté ou par esprit d’intrigue, protégeait notre liaison secrète… À la fin, nous fûmes mariés secrètement, tant je me laissai entraîner par mon aveugle passion !… mon amant s’était assuré du ministère d’un ecclésiastique de l’Église anglicane… Monna Paula, qui était auprès de moi depuis mon enfance, fut témoin de notre union. Je dois rendre justice à l’attachement de cette fidèle créature : elle me supplia de suspendre mon dessein jusqu’à ce que la mort de ma mère permît de célébrer ouvertement mon mariage ; mais les instances de mon amant et l’entraînement de ma fatale passion l’emportèrent sur ses représentations. La dame dont j’ai parlé fut un autre témoin ; mais possédait-elle entièrement le secret de mon époux ? c’est ce que je n’ai jamais eu l’occasion de savoir. Quoi qu’il en soit, ce fut à l’ombre de son nom et dans sa propre demeure que nous eûmes les moyens de nous voir souvent, et l’amour de mon époux paraissait aussi sincère, aussi exclusif que le mien.

« Il me dit qu’il désirait vivement, et que son orgueil serait extrêmement flatté de me présenter à deux ou trois de ses nobles amis anglais. Ceci ne pouvait se faire chez lady D… ; mais par son ordre, auquel je devais alors déférer, je réussis à l’aller trouver deux fois dans son hôtel, accompagnée seulement de Monna Paula. Il y avait une petite société composée seulement de deux dames et de deux messieurs. On fit de la musique, on rit, on dansa. J’avais entendu parler de la franchise de la nation anglaise, mais je ne pus m’empêcher de penser qu’elle approchait de la licence dans ces réunions, et pendant le souper qui les suivait ; cependant j’attribuai mes scrupules à mon inexpérience, et ne me permis pas de douter qu’il pût y avoir de l’inconvenance dans ce qu’approuvait mon mari.

« Bientôt je fus appelée à une scène d’un genre tout différent. La maladie de ma pauvre mère approchait de son terme. Je dois m’estimer heureuse qu’il soit arrivé avant qu’elle eût fait une découverte qui lui eût déchiré l’âme.

« Vous pouvez avoir entendu dire comment en Espagne les prêtres catholiques et surtout les moines assiègent le lit des mourants, afin d’en obtenir des donations pour l’Église. Je vous ai dit que le caractère de ma mère était aigri par la maladie, et que son jugement en avait souffert en proportion. Elle trouva de la force et du courage dans le ressentiment qu’excitèrent en elle les