Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/269

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« Ayez patience, Marguerite, et calmez-vous. Vous pouvez… vous devez avoir beaucoup à faire pour exécuter une entreprise aussi hardie… recueillez votre courage, dont vous pouvez avoir si grand besoin… Ayez patience : c’est le seul remède contre les maux de la vie. — Oui, madame, » dit la jeune fille en s’essuyant les yeux, et cherchant en vain à réprimer l’impatience naturelle de son caractère : « je l’ai entendu dire bien souvent, et même, il est possible, Dieu me le pardonne ! que je l’aie dit moi-même à ceux que je voyais dans l’inquiétude et dans l’affliction, mais c’était avant d’avoir connu ce que c’était que l’affliction et l’inquiétude, et je vous assure que je ne prêcherai plus la patience à personne, maintenant que je sais combien ce remède répugne à celui auquel il est offert. — Vous penserez plus sagement un jour, enfant, dit lady Hermione. Et moi aussi, lorsque je connus le malheur pour la première fois, j’en voulais à ceux qui me parlaient de patience… mais les chagrins se sont succédé jusqu’à ce que j’aie appris à recourir à la seule manière de supporter le poids des maux de cette vie, à l’exception toutefois des devoirs de la religion, dont la patience elle-même fait partie. »

Marguerite, qui ne manquait ni de sensibilité ni de bon sens, s’empressa d’essuyer ses larmes et de demander pardon de sa pétulance.

« J’aurais dû penser, dit-elle, d’après votre genre de vie, madame, que vous aviez eu des chagrins ; et, Dieu le sait, la patience que je vous ai vue déployer vous donne les plus justes droits de proposer votre exemple aux autres. »

La dame garda un moment le silence, et reprit ensuite.

« Marguerite, je vais vous donner une grande marque de confiance ; vous n’êtes plus une enfant, mais une femme raisonnable et sensible. Vous m’avez appris de votre secret tout ce que vous avez osé dire ; je vais vous faire connaître du mien tout ce que je puis hasarder de vous en apprendre. Vous me demanderez peut-être pourquoi je choisis le moment où votre esprit est agité d’une grande inquiétude, pour vous occuper de mes chagrins : à cela je répondrai que je ne puis résister à l’impulsion qui m’entraîne à le faire. Peut-être, en voyant pour la première fois, depuis trois ans, l’effet des passions humaines, ai-je senti mes douleurs se réveiller, au point que mon cœur ne puisse plus les contenir ; peut-être est-ce l’espoir que vous, qui semblez prête à vous jeter à corps perdu sur l’écueil où mon bonheur a échoué pour jamais,