Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/268

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écoutez-les ! chère et généreuse dame, » dit Marguerite en pressant les genoux de sa bienfaitrice ; et dans cette attitude elle semblait implorer son ange gardien. « Les lois des hommes ne sont que leur ouvrage, mais l’impulsion du cœur est l’écho de la voix de Dieu. — Levez-vous, jeune fille, dit Hermione ; vous me faites éprouver une émotion dont je ne me croyais plus susceptible. Levez-vous, et dites-moi comment il se fait que vos pensées, vos regards, vos paroles, et même vos moindres actions, qui, il y a si peu de temps, étaient celles d’un enfant capricieux et fantasque, aient pris tout à coup cette énergie et cette éloquence passionnée. — Je ne saurais vous le dire, très-chère dame, » répondit Marguerite en baissant les yeux. « Mais, je suppose, lorsque j’étais un enfant frivole et léger, tout en moi annonçait que je m’occupais de pures bagatelles. Mes réflexions sont maintenant profondes et sérieuses, et je me félicite que mes manières et mes paroles répondent à mes pensées. — Il faut qu’il en soit ainsi, dit la dame ; et cependant ce changement me paraît aussi étrange que rapide. Il me semble voir une enfant transformée tout à coup en une femme réfléchie et passionnée, prête à tous les efforts, à tous les sacrifices pour l’objet chéri de ses affections, avec ce fatal dévouement qui est souvent si indignement payé. »

Lady Hermione soupira amèrement, et Monna Paula rentra avant que la conversation allât plus loin. Elle parla à sa maîtresse dans une langue étrangère dont elles se servaient quelquefois ensemble, mais qui était inconnue à Marguerite.

« Il faut avoir patience un moment, » dit la dame à la jeune fille, « le caissier est sorti pour une affaire, mais on l’attend d’ici à une demi-heure. »

Marguerite se tordit les mains de douleur et d’impatience.

« Les minutes sont précieuses, continua la dame, c’est ce que je comprends bien, mais du moins nous n’en perdrons pas une seule par notre faute. Monna Paula restera en bas pour attendre Roberts, et finira notre affaire avec lui au moment où il rentrera. »

Elle donna ses ordres à la suivante, qui quitta la chambre encore une fois.

« Je vous remercie, madame… vous êtes bien bonne pour la pauvre Marguerite. » Et l’on voyait au tremblement de ses lèvres et de ses mains cette agitation douloureuse où nous jette un espoir différé.