Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/266

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lerez le fruit des efforts que vous avez faits en sa faveur ? » reprit ironiquement lady Hermione.

« Que le ciel vous pardonne cette injuste pensée, madame ! répondit Marguerite ; je ne le reverrai plus, mais je l’aurai sauvé, et cette pensée fera mon bonheur. — Voilà une conclusion bien froide pour une entreprise si téméraire, » répondit la dame avec un sourire d’incrédulité.

« C’est pourtant la seule que je puisse attendre, madame ; la seule peut-être que je désire… Je vous assure que je ne tenterai rien pour en amener une autre ; si je suis hardie dans sa cause, je suis assez timide dans la mienne. La seule fois que je le vis, je me sentis incapable de lui dire un mot… Il ne connaît pas le son de ma voix, et tout ce que j’ai risqué et vais risquer encore, c’est pour un homme qui a sans doute oublié depuis long-temps qu’il m’a vue, qu’il a été assis près de moi, qu’il a adressé la parole à une créature aussi insignifiante… — C’est se livrer de gaieté de cœur à une passion aussi dangereuse qu’étrange, dit lady Hermione. — Je vois que vous ne voulez pas m’accorder votre secours, reprit Marguerite ; adieu donc, madame ; mon secret est en sûreté entre des mains si honorables. — Attendez un peu, et dites-moi par quelles manœuvres vous pourriez sauver ce jeune homme, si vous aviez l’argent nécessaire. — Il est inutile de me faire cette question, à moins que vous ne vouliez m’aider, et, dans ce cas, elle est encore inutile. Vous ne comprendriez pas les moyens que j’emploie, et les moments sont trop courts pour permettre des explications. — Mais du moins avez-vous réellement les moyens de le sauver ? — J’ai, avec le secours d’une somme médiocre, le moyen de déjouer les complots de ses ennemis, d’éluder la colère du roi irrité, le ressentiment moins impétueux mais plus profond du prince de Galles, l’esprit vindicatif de Buckingham, si prompt à poursuivre quiconque vient entraver sa marche sur la route de l’ambition ; enfin jusqu’à la malignité froide et concentrée de lord Dalgarno ; oui, j’ai les moyens de les déjouer tous. — Mais pouvez-vous faire tout cela sans vous exposer personnellement, Marguerite ? reprit encore lady Hermione ; car, quel que soit votre dessein, vous ne devez pas mettre en danger votre réputation et votre personne dans le but romanesque d’en sauver une autre ; et moi, jeune fille, je dois à moi-même ainsi qu’à votre parrain, votre bienfaiteur et le mien, de ne pas vous prêter mon appui dans une entreprise qui, selon mon opinion,