Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/262

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montable. Mais vous êtes tous deux bien jeunes, Marguerite, et je sais que votre parrain voudra que le jeune homme achève auparavant son apprentissage. »

Marguerite jusque-là avait laissé parler lady Hermione sans lui faire apercevoir sa méprise, seulement parce qu’elle ne savait de quelle manière l’interrompre ; mais le dépit que lui causèrent ces derniers mots lui donna la force de dire : « Je vous demande pardon, madame ; mais il ne s’agit ni du jeune homme dont vous parlez, ni d’aucun apprenti ou maître de la ville de Londres… — Marguerite, s’écria la dame, le ton de mépris avec lequel vous parlez des hommes de votre classe, dont il existe des centaines, pour ne pas dire des milliers, qui valent mieux que vous, et qui vous honoreraient beaucoup en songeant à vous pour épouse ; ce mépris, dis-je, m’est un mauvais garant de la sagesse de votre choix, car il paraît que vous en avez fait un. Répondez, enfant, quel est celui pour lequel vous avez conçu un attachement si téméraire ?… je crains que ce ne soit le mot dont il faille se servir.

— C’est le jeune Écossais, lord Glenvarloch, madame, » répondit Marguerite, d’un ton bas et modeste, mais assez ferme pour un pareil aveu.

« Le jeune lord Glenvarloch ! » répéta la dame avec une surprise extrême. « Jeune fille, votre raison vous abandonne. — Je savais bien que vous diriez cela, madame ; une autre personne me l’avait déjà dit ; et je suis quelquefois tentée de me le répéter à moi-même… Mais regardez-moi, madame, me voilà devant vous ; dites-moi s’il y a dans mes yeux ou dans mon langage quelque signe de folie ou d’égarement quand je vous répète que ce jeune lord est l’objet de toutes mes affections. — S’il n’y a pas de folie dans vos yeux, il y a infiniment d’extravagance dans ce que vous dites, jeune fille, » répondit sévèrement lady Hermione. « Quand un amour mal placé engendra-t-il autre chose que le malheur ? Cherchez un époux parmi vos égaux, Marguerite, et évitez les dangers et les chagrins sans nombre qui doivent accompagner une passion dont vous avez choisi l’objet dans un rang si supérieur au vôtre. Pourquoi ce sourire, jeune fille ? Y a-t-il rien dans mes paroles qui puisse vous offrir un sujet de raillerie ? — Non, sans doute, madame ; seulement je ne pouvais m’empêcher de sourire en me demandant comment il se fait que, tandis que le rang constitue une si grande différence entre des créatures formées de la même argile, l’esprit du vulgaire se trouve néan-