Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/256

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vage expression, les airs de son pays natal. Tout contribuait à en faire un enfant gâté, l’indulgence de son parrain, l’insouciance et l’abstraction constante de son père, et l’empressement que mettaient à céder à ses caprices tous ceux qui l’entouraient, et sur qui elle exerçait la double influence de jolie femme et de riche héritière. Ce concours de circonstances avait rendu cette beauté de la Cité impérieuse et fantasque, conséquence naturelle d’une indulgence sans bornes. Tantôt elle montrait cette extrême affectation de timidité, de silence et de réserve, que les très-jeunes filles sont sujettes à prendre pour une aimable modestie. À d’autres moments, elle s’abandonnait à cette vivacité de babil que la jeunesse confond souvent avec l’esprit. Malgré tous ces défauts, mistress Marguerite avait de la finesse, un jugement naturel qui ne demandait que l’occasion de s’exercer, une humeur vive, agréable, enjouée, et un cœur excellent. Les défauts de son éducation s’étaient accrus par la lecture des comédies et des romans, à laquelle elle consacrait une grande partie de son temps ; elle y puisait des idées bien différentes de celles qu’elle aurait pu acquérir par les tendres conseils d’une excellente mère. Enfin, les caprices auxquels elle était assez sujette semblaient justifier l’accusation de coquetterie qu’on lui adressait. Mais la petite avait assez de sens et de pénétration pour cacher ses défauts à son parrain, auquel elle était sincèrement attachée, et elle était si avant dans ses bonnes grâces, que ce fut à sa recommandation qu’elle obtint la permission d’aller visiter quelquefois lady Hermione.

Le singulier genre de vie que menait cette dame, son extrême beauté, plus intéressante encore par son étrange pâleur, l’orgueil secret d’être admise, de préférence à tout le monde, dans la société d’une personne qui s’enveloppait de tant de mystère, toutes ces circonstances avaient fait une profonde impression sur Marguerite Ramsay ; et quoique leurs conversations n’eussent jamais été longues ni confidentielles, cependant, fière de la confiance qu’on lui témoignait, Marguerite en avait aussi fidèlement gardé le secret que si chaque mot répété eût dû lui coûter la vie ; aucune question, de quelque flatterie artificieuse qu’elle eût été accompagnée, soit de la part de dame Ursule ou de toute autre personne aussi curieuse, n’avait pu arracher à la jeune fille un mot de ce qu’elle avait vu ou entendu après qu’on lui eut accordé l’entrée de ce mystérieux appartement. La moindre allusion au