Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le moment de son retour approchait, et la tante Judith, ainsi que toute la maison, était dévorée d’impatience et de curiosité. Enfin maître George arriva, amenant avec lui une dame d’une si grande beauté que, dans son extrême et constante pâleur, elle aurait pu passer pour la plus parfaite créature qui fût sur la terre. Elle avait avec elle une suivante, ou plutôt une humble amie, qui n’avait d’autre occupation que de lui tenir compagnie : cette femme, très-réservée, et qu’à son accent on reconnaissait pour une étrangère, pouvait avoir environ cinquante ans. Sa maîtresse l’appelait Monna Paula, et maître Heriot et les autres, mademoiselle Pauline. Elle couchait dans la chambre de sa maîtresse, prenait ses repas dans son appartement, et ne s’en séparait presque jamais.

Ces deux personnes prirent possession des appartements cloîtrés de la dévote abbesse, et sans observer à la lettre une retraite aussi rigoureuse, semblaient à peu près rendre cet appartement à son usage primitif. Les étrangères vivaient et prenaient leurs repas entièrement séparées de la famille. Lady Hermione, car c’est ainsi qu’on l’appelait, n’avait aucune communication avec les domestiques ; mademoiselle Pauline n’en avait que d’indispensables, dont elle s’acquittait toujours le plus brièvement possible. Des dons fréquents et généreux réconciliaient les serviteurs de la maison avec ce genre de vie singulier, et ils se disaient l’un à l’autre que trouver moyen de rendre service à mademoiselle Pauline, c’était, en quelque sorte, découvrir le trésor d’une fée.

Lady Hermione était bienveillante et polie avec la tante Judith, mais elle avait peu de rapports avec elle, ce qui mortifiait sensiblement la dignité de la bonne dame, et lui faisait éprouver en même temps un vif sentiment de curiosité ; mais elle connaissait si bien son frère, et l’aimait si tendrement, qu’on pouvait dire que, quand il émettait sa volonté, elle en faisait aussitôt la sienne. Le digne bourgeois n’était pas exempt de cet esprit de domination que contracte facilement l’homme, même le meilleur, lorsqu’il est habitué à voir un mot de lui devenir la loi de tous ceux qui l’entourent. Maître George ne pouvait donc supporter que sa famille le questionnât jamais sur rien, et lorsqu’il eut dit une fois que sa volonté était que lady Hermione vécût chez lui comme elle l’entendrait, et que personne ne s’informât de son histoire ou des motifs qu’elle pouvait avoir pour vivre dans une retraite aussi sévère, sa sœur pensa justement qu’il éprou-