Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/252

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de se concilier les bonnes grâces de la tante Judith, ou, ce qui eût été plutôt dans son caractère, pour se venger de sa mauvaise humeur par des réponses piquantes. Elle suivit donc la tante Judith, en silence et d’un air abattu, jusqu’à l’épaisse porte de chêne qui séparait l’appartement de lady Hermione du reste de la maison spacieuse de George Heriot.

Il faut que nous nous arrêtions à la porte de ce sanctuaire, pour rétablir les faits défigurés par Richie Moniplies, lorsqu’il avait étourdi son maître des contes qu’il avait entendu faire sur la singulière apparition, pendant la prière, de cette personne que nous reconnaissons maintenant se nommer lady Hermione. Une partie de ces bruits était parvenue au digne Écossais par Jenkin Vincent, lequel était très-exercé dans cette sorte d’esprit si longtemps le genre favori de la Cité, et auquel on a successivement donné différents noms, mais que nous nous contenterons de nommer mystification. Richard Moniplies, avec son importance et sa gravité solennelles, sa crédulité complète, et son goût pour le merveilleux, prêtait merveilleusement à ce genre de plaisanterie. Le conte avait reçu ses autres ornements de Richie lui-même, dont la langue, quand elle était graissée par une liqueur généreuse, avait beaucoup de goût pour l’amplification ; en racontant à son maître les circonstances merveilleuses qu’il tenait de Jin Vin, il y avait joint quelques conjectures de son propre fonds, que son imagination avait promptement converties en faits.

Cependant, la vie de lady Hermione, depuis deux ans qu’elle habitait la maison de George Heriot, était assez singulière pour justifier quelques-uns des bruits extravagants qui s’étaient répandus à ce sujet. L’habitation du digne orfèvre avait appartenu autrefois à une riche et puissante famille baroniale, qui, sous le règne de Henri VIII, s’était éteinte dans la personne d’une vieille douairière très-opulente, très-dévote, et inviolablement attachée à la foi catholique. L’amie de cœur de l’honorable lady Foljambe était abbesse du couvent de Sainte Roque, et papiste aussi austère, aussi rigide, aussi enthousiaste qu’elle-même. À l’époque où la maison de Sainte-Roque avait été détruite par la volonté despotique du fougueux monarque, lady Foljambe avait reçu dans sa vaste demeure son amie, accompagnée de deux religieuses qui, de même que leur abbesse, étaient résolues d’accomplir leurs vœux dans toute leur étendue, et de rejeter la li-