Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/243

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laquelle les connaissances supérieures du ministre en théologie lui donnèrent un grand avantage sur le capitaine. Ce ne fut qu’avec peine que leur colère se calma et lorsque les garçons alarmés étant accourus leur eurent présenté des sièges plus solides et de nouvelles rasades pour se rafraîchir le sang. Quand ce tumulte fut apaisé, et qu’on eut poliment pourvu les étrangers d’un flacon chacun, suivant la coutume de l’assemblée, le duc but de la manière la plus gracieuse à la prospérité du Temple ainsi qu’à la bienvenue de maître Reginald Lowestoffe ; et cette attention ayant été reçue avec reconnaissance, la partie ainsi honorée demanda la permission de faire apporter un gallon de vin du Rhin et de communiquer le verre en main l’affaire qui l’amenait.

La demande d’une liqueur aussi supérieure à leurs libations ordinaires produisit immédiatement l’effet le plus salutaire sur le petit sénat ; et l’on peut dire que le vin, qui fut apporté sur-le-champ, assura un accueil favorable à la proposition de maître Lowestoffe. Celui-ci, après que l’on eut fait deux ou trois tournées, s’expliqua en demandant l’admission de son ami maître Nigel Grahame aux privilèges du sanctuaire et aux autres immunités de l’Alsace, ajoutant qu’il désirait être du nombre de ceux qui payaient un double droit d’entrée, afin de ne point exposer devant le sénat les motifs particuliers qui le forçaient à venir chercher ce refuge.

Le digne duc entendit cette proposition avec une joie qui fit étinceler son œil, et l’on ne doit pas s’en étonner, car c’était une circonstance rare et d’un avantage particulier pour son revenu personnel. En conséquence, il ordonna que son registre ducal[1] lui fût apporté : c’était un livre énorme, semblable au grand livre d’un marchand, et dont les feuilles, tachées de vin et souillées de tabac, portaient vraisemblablement le nom d’autant de mauvais sujets qu’il s’en trouve dans le calendrier de Newgate.

Nigel fut averti de déposer deux nobles pour sa rançon, et de réclamer les privilèges d’Alsace en récitant ces vers burlesques, qui lui furent soufflés par le duc :

  1. Ce curieux registre existe encore, et se trouve dans la possession d’un célèbre antiquaire, le docteur Dryasdust, lequel a eu la libéralité d’offrir à l’auteur de faire graver l’authographe du duc Hildebrod, pour servir de preuve à ce passage. Malheureusement, le docteur, s’en tenant aussi rigoureusement que Ritson lui-même à la lettre de son manuscrit, crut devoir attacher à son offre généreuse la condition que nous adopterions l’orthographe du duc, et que nous intitulerions notre ouvrage : les Aventures de Niggle, stipulation à laquelle nous n’avons pas jugé à propos de souscrire.