Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/214

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et voilà ce que j’appelle avoir bonheur en poche. — Sir Mungo Malagrowther, » s’écria lord Glenvarloch en se tournant vers lui d’un air sérieux, « ayez la bonté de m’entendre un moment. — Du mieux que je pourrai, milord, » dit sir Mungo en branlant la tête et en portant à son oreille l’index de sa main gauche.

« Je tâcherai de parler très-distinctement, » reprit Nigel en s’armant de patience : « je vois que vous me prenez pour un joueur déterminé, et je vous donne ma parole que vous êtes mal informé ; mais vous me devez quelque explication sur la source d’où vous avez tiré ces faux renseignements. — Je n’ai jamais entendu dire que vous fussiez un grand joueur, et je n’ai jamais dit ni pensé moi-même que vous en fussiez un, milord, » répondit sir Mungo, qui se trouvait dans l’impossibilité de paraître n’avoir pas entendu les paroles que Nigel venait de prononcer lentement et du ton le plus distinct. « Je vous le répète, je n’ai jamais entendu dire, dit ou pensé que vous fussiez un grand joueur comme on appelle ceux de la première volée. Écoutez-moi bien milord, j’appelle un joueur celui qui joue à jeu égal et avec des gens de ss force, et prend les chances du jeu bonnes ou mauvaises ; et j’appelle un franc joueur celui qui joue gros jeu et hasarde franchement son argent. Mais, milord, celui qui a la patience et la prudence de ne jamais risquer que de petites sommes, telles, par exemple, qu’il en faut pour faire sauter les étrennes d’un garçon épicier ; qui ne se mesure qu’avec ceux qui ont peu de choses à risquer, et qui, par conséquent, doit toujours avoir l’avantage, car ayant plus d’argent devant lui, il peut attendre l’instant de saisir la fortune, et se lever lorsqu’elle cesse de lui être favorable… celui-là, milord, je ne l’appellerai pas un grand joueur, quel que soit d’ailleurs le nom qu’il mérite. — Et voudriez-vous faire entendre, s’écria lord Glenvarloch, que je suis ce misérable, cette âme vile et sordide, ce lâche qui craint les joueurs habiles et fait sa proie de l’ignorant, qui évite de jouer avec ses égaux afin de pouvoir piller en toute sûreté ses inférieurs ?… Voulez-vous me donner à comprendre que tels sont les bruits qu’on a fait courir sur mon compte ? — Vous ne gagnerez rien à le prendre avec moi sur un ton si haut, milord, « répliqua sir Mungo, qui, outre qu’il avait pour soutenir son humeur sarcastique une assez bonne provision de courage naturel, avait aussi pleine confiance dans les privilèges que lui avaient conférés le sabre de sir Rullion Ratray et le bâton des satellites employés par lady Cockpen. « Et,