Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/206

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Richie, à moins que l’honneur de Votre Seigneurie, le bien de mon pays, ou quelque autre intérêt à moi particulier ne m’ait fait juger inutile de la proclamer toute entière… je vous dis donc, aussi vrai que je suis un honnête homme, qu’au moment où ce pauvre diable traversa le vestibule pour sortir de cet Ordinaire, maudit (le ciel me pardonne de jurer !) de Dieu et des hommes, le bonnet enfoncé sur les yeux, grinçant les dents et se tordant les mains en désespéré, Lutin me dit : Voilà un pigeon que votre maître a passablement bien plumé ; mais ce ne sera pas de si tôt qu’il arrachera une plume à un des coqs du jeu… Ainsi donc, milord, pour parler clairement, les laquais et leurs maîtres, et surtout votre ami juré, lord Dalgarno, vous appellent l’épervier… J’avais quelque envie de casser la tête à Lutin pour ces paroles, mais cela ne valait pas la peine d’une querelle. — Ont-ils osé se servir de semblables termes ? s’écria lord Nigel. Par la mort ! par le diable ! — Oui, oui, milord, répondit Richie ; le diable n’est pas oisif à Londres. Ensuite Lutin et son maître se sont moqués de vous, milord, disant que vous aviez laissé croire, j’ai honte de le répéter, que vous étiez au mieux avec la femme de ce brave et honnête homme dont nous venons de quitter la maison parce qu’elle n’était plus assez élégante pour vous. Et ils ont ajouté, les mauvaises langues ! que vous prétendiez avoir ses bonnes grâces, tandis qu’au fond vous n’aviez pas eu le courage de l’attaquer, et que l’épervier avait été trop poule mouillée pour fondre sur la femme d’un marchand de fromage. » Il s’arrêta un moment, en regardant fixement son maître, dont le visage était enflammé de honte et de colère. « Milord, ajouta-t-il, je vous ai rendu intérieurement justice, et à moi aussi ; car, ai-je pensé, il se serait plongé dans ce genre de libertinage, comme dans les autres, s’il n’avait eu Richie près de lui. — Quelles nouvelles sottises avez-vous encore à me débiter ? » dit lord Nigel ; « allons, voyons, continuez ; puisque c’est la dernière fois que vous devez me persécuter de vos impertinences, jouissez de votre reste. — Sur ma foi, répliqua Richie, c’est ce que je ferai ; et comme le ciel m’a donné une langue pour parler et donner des conseils… — C’est un talent qu’on ne vous accusera pas de négliger, interrompit Nigel. — C’est vrai, milord, » reprit Richie en faisant un signe de la main, comme pour demandera son maître silence et attention, « et j’espère que vous continuerez de penser ainsi. Or, comme me voilà sur le point de quitter votre service, il convient que vous sachiez la vérité,