Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/194

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par sa beauté, ses talents, et le génie qu’on lui attribuait pour les intrigues de cour, une puissante influence sur le cercle qui l’entourait. Nigel Olifaunt ne tarda pas à en éprouver le pouvoir, et il devint en quelque sorte l’esclave de cette espèce d’habitude qui entraîne tant d’hommes dans une certaine société, à une certaine heure, sans qu’ils espèrent y trouver un plaisir ou un amusement bien vif.

Voici comment on peut décrire la vie qu’il mena pendant plusieurs semaines : l’Ordinaire ne commençait pas mal sa journée, et le jeune lord fut bientôt d’avis que si la compagnie qu’on y trouvait n’était pas sans mélange, ce n’en était pas moins un lieu de réunion agréable et commode, et qui lui servait de rendez-vous avec les jeunes gens à la mode, avec lesquels il fréquentait Hyde-Park, les théâtres et autres endroits publics, ou se joignait au cercle brillant que lady Blackchester rassemblait autour d’elle. Il n’éprouvait plus cette horreur scrupuleuse qui, dans le principe, l’avait fait hésiter à entrer dans un lieu où le jeu était permis : au contraire, il commençait à se dire qu’il n’y avait aucun mal à être témoin d’un tel passe-temps, quand les acteurs s’y livraient avec modération, et, par la même raison, qu’il ne pouvait y en avoir davantage à partager cet amusement, toujours avec les mêmes restrictions. Mais le jeune lord était Écossais, habitué à réfléchir de bonne heure : n’ayant jamais eu aucune habitude qui pût le porter à dissimuler ou aventurer légèrement son argent, la profusion n’était pas son défaut naturel ; il ne semblait pas même qu’il pût l’acquérir par l’éducation, et lorsque le feu lord avait si sévèrement défendu à son fils de jamais approcher d’une table de jeu, sans doute c’était moins dans la crainte qu’il ne fût du nombre des perdants, que de le voir parmi le nombre des joueurs heureux. Le malheur au jeu, dans son opinion, avait un terme bien triste sans doute, puisqu’il menait à la perte de tous les biens temporels ; mais le bonheur ne faisait qu’accroître le danger qu’il redoutait le plus, et mettait en péril à la fois l’âme et le corps.

Quel que fût le degré de fondement des craintes du vieux lord, la conduite de son fils ne tarda pas à les justifier jusqu’à un certain point, c’est-à-dire qu’après être resté un certain temps observateur passif des différents jeux de hasard dont il était témoin, il en vint par degré à s’y intéresser par de petites gageures et en risquant de faibles sommes. On ne peut nier que son rang et ses es-