Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/182

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gnation quand un individu de cette espèce a osé prononcer le nom de mon père… Et vous aussi qui m’aviez assuré que ce n’était pas ici une maison de jeu, et qui lui avouez que vous l’avez quittée les poches vides… — Bon, mon cher ! dit lord Dalgarno, ce n’était là qu’une manière de parler conforme au jargon du jour. D’ailleurs il faut bien risquer quelquefois un jacobus ou deux, sans quoi on serait regardé comme un ladre, comme un vilain ; mais voici le dîner, nous verrons si la bonne chère du chevalier vous plaît mieux que sa conversation. »

Le dîner fut effectivement annoncé, et les deux amis ayant été mis aux places d’honneur, furent servis avec beaucoup de cérémonie par M. le chevalier, qui fit les honneurs de la table, et assaisonna le tout de son agréable conversation. Le dîner était réellement excellent. Il offrait ce genre piquant de cuisine que les Français avaient déjà introduit, et que les jeunes Anglais qui n’étaient pas sortis de leur pays se trouvaient dans la nécessité d’admirer, s’ils voulaient passer pour hommes de goût et connaisseurs. Le vin était aussi de la première qualité et d’espèces variées, et il circula avec abondance. La conversation entre tant de jeunes gens était naturellement vive, enjouée et amusante ; et Nigel, dont l’esprit avait été long-temps abattu par l’inquiétude et le malheur, se trouva bientôt à son aise, et sentit sa vivacité et sa gaieté naturelle se ranimer.

Il y avait dans cette réunion des gens qui avaient véritablement de l’esprit et qui savaient le faire valoir ; d’autres étaient des sots et des fats, dont on se moquait sans qu’ils s’en aperçussent ; d’autres encore étaient des originaux qui, à défaut d’esprit pour amuser la compagnie, n’avaient pas l’air de trouver mauvais qu’elle se divertît de leurs ridicules. Presque tous ceux enfin qui jouaient quelque rôle dans la conversation avaient le ton réel de la bonne compagnie de cette époque, ou le jargon qui le remplace souvent.

Bref, la société et la conversation parurent si agréables à Nigel que son austérité s’en adoucit, et qu’il devint même moins sévère envers le maître des cérémonies. Il écouta avec patience les divers détails que le chevalier de Beaujeu, remarquant, comme il le dit lui-même, le goût de milord pour le curieux et l’utile, se plut à lui adresser en particulier sur l’art culinaire. Pour satisfaire en même temps le goût pour l’antiquité qu’il supposait, je ne sais pourquoi. À son nouvel hôte, il s’étendit sur les louan-