Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/177

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lèges dont vous vous êtes rendu coupable. — C’est fort bien, répliqua Nigel ; mais, dites-moi, ce digne chevalier ne peut pas soutenir toute cette bonne chère à ses propres frais ? — Non, non ; il y a une espèce de cérémonie que les amis et les habitués de mon chevalier connaissent fort bien, mais que vous n’avez nullement besoin de savoir maintenant. Il y a, comme le dirait Sa Majesté, un symbolum à débourser, autrement dit, un mutuel échange de politesses entre Beaujeu et ses convives. Il leur fait généreusement présent d’un dîner, accompagné de bon vin, toutes les fois qu’ils veulent se donner le plaisir de fréquenter sa maison à l’heure de midi ; et eux, par reconnaissance, lui font présent d’un jacobus. Ensuite, vous saurez qu’outre Comus et Bacchus, cette princesse des affaires sublunaires, la diva Fortuna, a aussi son culte chez Beaujeu, et que lui, son grand-prêtre officiant, trouve, comme de raison, des avantages considérables dans la part qui lui revient du sacrifice. — En d’autres termes, cet homme tient une maison de jeu. — Une maison où vous pouvez jouer certainement, si vous en avez envie, de même que vous pouvez jouer dans votre appartement ; je me souviens même que le vieux Tom Tally, par gageure, a fait une partie de putt avec Quinze-le-Va, un Français, pendant le service du matin à Saint-Paul : il est vrai que c’était une matinée de brouillard, que le ministre était à moitié endormi, et que toute la congrégation se composait d’une vieille femme aveugle et d’eux-mêmes, au moyen de quoi ils évitèrent d’être surpris. — Cela n’empêche pas, Malcolm, » reprit Nigel d’un ton grave, « que je ne puis dîner aujourd’hui avec vous à cet Ordinaire. — Et, de par le ciel ! quelle est la raison qui vous fait rétracter votre promesse ? — Je ne la rétracte pas, Malcolm ; mais je suis lié par une promesse antérieure, et que je fis il y a bien long-temps à mon père, de ne jamais passer le seuil d’une maison de jeu. — Je vous dis que ce n’en est pas une, répondit lord Dalgarno ; ce n’est, en termes ordinaires, qu’une maison où l’on donne à manger, tenue sur un pied plus distingué et mieux fréquentée que les autres de cette ville. Et si quelques personnes s’y amusent à des jeux de cartes ou de dés, ce sont des hommes d’honneur, et qui jouent honorablement, en n’exposant que ce qu’ils ont le moyen de perdre. Ce n’était, ce ne pouvait être une maison de ce genre que votre père vous recommanda d’éviter. D’ailleurs, il aurait pu également vous faire jurer que Vous n’entreriez jamais dans une auberge, une taverne, une maison