Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/174

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Milord mon père, reprit Dalgarno, ne manque pas d’habits bleus pour le suivre sans avoir besoin d’un papillon comme moi. Il peut porter le verre à ses lèvres sans mon secours ; et si sa tête paternelle venait à s’étourdir, il a bien assez de gens pour conduire Sa très-honorable Seigneurie à son très-honorable lit. Allons, ne me regardez pas de cet air effrayé, comme si mes paroles allaient faire couler à fond la barque qui nous porte… J’aime mon père… je l’aime tendrement, et je le respecte même, quoique je ne respecte pas grand’chose au monde… Jamais vieux Troyen plus brave ne ceignit un sabre à un ceinturon de cuir… Mais ensuite il appartient à l’ancien monde, et moi au nouveau : il a fait ses folies, et je fais les miennes, et moins l’un de nous sera témoin des peccadilles de l’autre, plus il y aura d’estime et de respect ; je crois que voilà parler convenablement : plus il y aura, dis-je, de respect entre nous. Séparés, chacun de nous est lui-même, c’est-à-dire tel que l’ont fait la nature et les circonstances ; mais accouplez-nous l’un avec l’autre, et vous serez sûr d’avoir en laisse, soit un vieux, soit un jeune hypocrite, et peut-être tous deux à la fois. »

Comme il parlait ainsi, la barque s’arrêta devant Black-Friars, et lord Dalgarno s’élança sur le rivage, et jeta son manteau et sa rapière à son page, en recommandant à son compagnon de faire de même. « Nous allons nous trouver dans une foule de petits-maîtres, dit-il, et si nous marchions ainsi affublés, nous ressemblerions à l’hidalgo au visage hâlé, qui s’enveloppe dans son manteau pour cacher les défauts de son pourpoint. — J’ai connu plus d’un honnête homme qui en faisait autant, n’en déplaise à Votre Seigneurie, » dit Richard Moniplies, qui avait guetté l’occasion de se mêler de la conversation, et qui probablement se rappelait, à propos de manteau et de pourpoint, que naguère encore il s’était trouvé dans un cas semblable.

Lord Dalgarno le regarda avec de grands yeux, comme tout étonné de son assurance, et lui répondit : « Vous pouvez savoir bien des choses, l’ami ; mais en attendant vous ne savez rien de ce qui concerne principalement le service de votre maître, c’est-à-dire quelle manière porter son manteau pour montrer avec avantage les galons d’or qui en couvrent les coutures, et la doublure de martre… Voyez comment Lutin porte mon épée, et comme en la couvrant en partie de son manteau, il a soin de laisser à découvert la poignée d’argent massif et le riche travail de la monture. Donnez votre épée à votre domestique, Nigel, » con-