Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous les ordres qu’on lui donnera, bons, mauvais ou indifférents… sans égal dans sa tribu, comme vaurien, voleur et menteur. — Toutes qualités, répliqua l’effronté page, qui, chacune à l’occasion, ont été utiles à Votre Seigneurie. — Sors d’ici, fils de Satan, lui dit son maître ; va-t’en, disparais, ou ma baguette magique te chatouillera les oreilles. (Le page se retourna et disparut aussi subitement qu’il était entré.) Vous voyez, reprit lord Dalgarno, qu’en choisissant ma maison, la plus grande marque d’égards que je puisse donner aux gens de sang noble, c’est de les en exclure… Ce gibier de potence suffirait tout seul pour corrompre toute une chambrée de pages, fussent-ils descendus des rois et des czars. — J’ai de la peine à croire qu’un seigneur ait besoin des services d’un page tel que votre Lutin, dit Nigel ; vous voulez vous moquer de mon inexpérience. — Le temps vous montrera si je plaisante ou non, mon cher Nigel, répondit Dalgarno ; en attendant j’ai à vous proposer de profiter de la marée pour faire une promenade sur la rivière, et à midi j’espère que vous dînerez avec moi. »

Nigel consentit avec plaisir à un projet qui lui promettait tant d’amusement. Son nouvel ami et lui, suivis de Lutin et de Moniplies, qui, ainsi accouplés, ressemblaient beaucoup à l’ours accompagné d’un singe, allèrent prendre possession de la barque de lord Dalgarno, laquelle, avec ses bateliers portant sur leurs bras la plaque gravée aux armes de Sa Seigneurie, était toute prête à les recevoir. On respirait sur la rivière un air délicieux, et la conversation piquante de lord Dalgarno donnait un attrait de plus aux plaisirs de cette petite excursion. Non seulement il faisait connaître à son compagnon les divers édifices publics et les hôtels des seigneurs devant lesquels ils passèrent en remontant la Tamise, mais il savait assaisonner ces détails d’une foule d’anecdotes sur la politique ou la chronique scandaleuse de la cour. S’il n’avait pas un esprit supérieur, du moins il possédait parfaitement le jargon à la mode : et dans ce siècle comme dans le nôtre, un pareil langage suppléait amplement à tout ce qui pouvait manquer du reste.

C’était un genre de conversation entièrement nouveau pour son compagnon, non moins que le monde qu’il lui apprenait à connaître ; et il n’est pas étonnant que Nigel, malgré son bon sens naturel et l’indépendance de son esprit, supportât assez facilement l’air de supériorité que son ami prenait en travaillant de