Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/161

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comte et un homme qui par sa fortune et sa réputation était dans le cas de devenir un jour, sinon lord-maire, au moins alderman de son quartier.

Ils étaient si profondément ensevelis dans ces discussions importantes, que le digne comte oubliait jusqu’à son appétit : il voulait que l’écrivain eût reçu les instructions qui lui étaient nécessaires, et que tout fût bien examiné et bien pesé avant qu’il se mît à dresser les actes. Cependant les deux jeunes gens se promenaient sur la terrasse qui donnait sur la rivière, et lord Dalgarno, comme l’aîné et le plus expérimenté des deux, dirigeait la conversation sur les sujets qu’il croyait les plus propres à intéresser son nouvel ami.

Ces sujets avaient naturellement rapport aux plaisirs de la cour, et lord Dalgarno exprima une grande surprise en apprenant que Nigel se proposait de retourner immédiatement en Écosse.

« Vous voulez plaisanter ! s’écria-t-il. À quoi bon vous le cacher, il n’est bruit à la cour que du succès extraordinaire de votre pétition contre la plus puissante influence qui domine en ce moment l’horizon de White-Hall… chacun parle de vous, s’occupe de vous, fixe les yeux sur vous, et se demande quel est ce jeune lord écossais qui a été si loin dans un jour. Tout le monde se demande à l’oreille jusqu’à quel point vous pourrez pousser votre fortune. Et tout cela se réduirait à retourner en Écosse, manger des galettes d’avoine cuites sur un feu de tourbe ; vous faire secouer la main par le premier manant à bonnet bleu auquel il plaira de vous appeler cousin, quoique la parenté remonte jusqu’à Noé ; boire de l’ale écossaise à deux sous la pinte, manger la chair d’un daim affamé quand vous pourrez l’attraper, monter un bidet du pays, et vous entendre appeler mon très-honorable et très-digne lord ! — J’avoue que la perspective n’est pas très-brillante, dit lord Glenvarloch, quand même milord Votre père et le bon maître Heriot réussiraient à remettre mes affaires sur un pied raisonnable. Et cependant je me flatte de pouvoir faire quelque chose pour mes vassaux, comme mes ancêtres l’ont fait avant moi, et d’apprendre à mes enfants, ainsi que je l’ai appris moi-même, à faire, s’il le faut, quelques sacrifices personnels, afin de se maintenir avec dignité dans le rang où la Providence les a placés. »

Lord Dalgarno, après avoir essayé deux ou trois fois d’étouffer une envie de rire pendant ce discours, s’abandonna enfin sans