Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/152

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mander à la cour, et à qui il arrive d’être sans le sou… J’espère que vos sacs d’argent seront d’un poids suffisant pour soutenir vos nouvelles prétentions. — Ils me soutiendront d’autant mieux, milord, reprit l’orfèvre, que mes prétentions ne sont pas grandes. — Oh ! vous êtes trop modeste, bon maître Heriot, » reprit le duc sur le même ton d’ironie… « vous avez un puissant crédit à la cour, pour le fils d’un chaudronnier d’Édimbourg. Ayez la bonté de me présenter à cet illustre seigneur qui a eu l’honneur et l’avantage d’obtenir votre protection. — C’est moi qui m’en chargerai, milord, » interrompit lord Huntinglen, en appuyant avec force sur le mot moi… « Milord duc, vous voyez dans ce jeune seigneur Nigel Olifaunt, lord de Glenvarloch, et le représentant d’une des plus anciennes et des plus puissantes baronnies de l’Écosse… Lord Glenvarloch, je vous présente Sa Grâce, le duc de Buckingham, représentant de sir George Villiers, chevalier de Brookerby dans le comté de Leicester. »

Le duc rougit tout en saluant lord Glenvarloch d’un air dédaigneux, politesse que celui-ci lui rendit avec hauteur, et avec une indignation comprimée. « Nous nous connaissons maintenant, » dit le duc, après un moment de silence, et comme s’il eût découvert dans le jeune lord quelque chose qui méritait une attention plus sérieuse que la raillerie amère par laquelle il avait commencé. « Nous nous connaissons… et vous connaissez en moi, milord, votre ennemi… — Je vous remercie de votre franchise, milord duc, répondit Nigel : un ennemi déclaré vaut mieux qu’un ami sur lequel on ne peut faire fond. — Quant à vous, milord Huntinglen, il me semble que vous venez d’abuser de l’indulgence qui vous est acquise en qualité de père de l’ami du prince et du mien. — Sur ma foi, milord duc, répondit le comte, il est facile à quelqu’un d’abuser d’un sentiment dont il ignore l’existence. Ce n’est ni d’après mon approbation, ni dans la vue de gagner mes bonnes grâces que mon fils voit une compagnie si élevée. — Oh ! nous vous connaissons, et nous vous passons bien des choses. Vous êtes de ces gens résolus à se prévaloir toute leur vie du mérite d’une seule bonne action. — Ma foi, milord, s’il en est ainsi, j’ai du moins l’avantage sur ceux qui prennent encore bien plus de libertés que moi, sans avoir jamais fait aucune action qui les y autorise. Mais mon intention n’est point d’avoir de querelle avec vous, milord : vous suivez votre route, et moi la mienne… »