Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/147

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sible, et Nigel, comprenant cet avis, fit seulement quelques pas en arrière. Pendant ce temps lord Huntinglen, s’agenouillant à son tour devant le roi Jacques, lui dit ; « Votre Majesté daignera-t-elle se rappeler que, dans une certaine occasion, elle m’a promis de m’accorder une grâce chaque année de sa précieuse vie ? — Je m’en souviens fort bien, répondit Jacques ; je m’en souviens fort bien, et j’ai de bonnes raisons pour cela. Ce fut lorsque vous m’arrachâtes des griffes de ce traître Ruthven qui m’avait pris à la gorge, et, en sujet fidèle, le frappâtes de votre poignard. La joie de notre libération nous ayant mis en quelque sorte hors de nous-même, nous fîmes alors la promesse, que vous nous rappelez ici assez inutilement, de vous accorder une grâce chaque année. Or, en reprenant le parfait usage de nos facultés royales, nous confirmâmes cette promesse, mais toujours restrictivè et conditionaliter, à savoir, pourvu que les demandes de Votre Seigneurie fussent telles que dans notre prudence royale nous jugerions raisonnable de les lui accorder. — Il est vrai, très-gracieux souverain, répondit le vieux comte ; et oserai-je demander à Votre Majesté si j’ai jamais abusé de ses royales bontés ?

— Non, sur ma foi ! non, dit le roi. Je ne me rappelle pas que vous ayez jamais demandé grand’chose pour vous-même, si ce n’est un chien, un faucon ou un daim de notre parc royal de Théobald, ou quelque chose de semblable. Mais à quoi bon cette préface ?… où voulez-vous en venir ? — À demander une grâce à Votre Majesté, répondit lord Huntinglen ; c’est que Votre Majesté daigne à l’instant lire le placet du lord Glenvarloch, et faire en cela ce que sa royale justice croira convenable, sans en référer à son secrétaire ou à aucun autre membre de son conseil.

— Sur mon âme, milord, voilà qui est étrange ! s’écria le roi ; vous plaidez pour le fils de votre ennemi. — D’un homme qui fut mon ennemi jusqu’au moment où Votre Majesté en fit mon ami, répliqua lord Huntinglen. — Bien parlé, milord, dit le roi, et dans le véritable esprit du christianisme… Quant à la pétition de ce jeune homme, je devine en partie de quoi il est question, et il est bien certain que j’avais promis à George Heriot d’avoir des bontés pour lui. Mais voilà où le bât blesse, c’est que Steenie et fanfan Charles ne peuvent pas entendre parler de cette affaire, ni votre propre fils non plus, milord ; de sorte que votre protégé ferait mieux, ce me semble, de retourner en Écosse avant de s’attirer par là quelque malheur. — Sous le bon plaisir de Votre Ma-