Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/145

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Ce dernier tribut rendu à ses talents polémiques porta au comble la satisfaction de Jacques, que le triomphe et la joie d’avoir pu déployer son érudition de cette manière avaient déjà élevée à un point qui n’était pas médiocre.

Il se frotta les mains, fit claquer ses doigts, s’agita et sourit en s’écriant : « Euge ! belle ! optime ! » puis, se tournant vers les évêques d’Exeter et d’Oxford qui étaient derrière lui, « Vous voyez, milords, leur dit-il, un échantillon assez passable de notre latinité écossaise, et je voudrais que tous nos sujets d’Angleterre parlassent aussi bien la langue latine que ce jeune homme et tant d’autres jeunes gens d’une naissance honorable de notre vieux royaume. Remarquez aussi que nous conservons la prononciation primitive, c’est-à-dire la prononciation romaine, comme toutes les autres nations savantes du continent, de sorte que nous pouvons communiquer avec tout savant de l’univers, quel que soit son pays, pourvu qu’il parle latin ; tandis qu’au contraire vous autres Anglais, nos doctes sujets, avez introduit dans vos universités, très-savantes d’ailleurs, une manière de prononcer[1] qui (ne vous fâchez pas si je vous le dis sans détour) ne peut être entendue d’aucune nation de la terre, excepté la vôtre ; ce qui fait que le latin, quoad Anglos[2], cesse d’être communis lingua, le drogman ou interprète général de tous les savants de l’univers. »

L’évêque d’Exeter s’inclina comme reconnaissant la justesse du jugement porté par le roi ; mais celui d’Oxford ne plia pas, se rappelant sans doute sur quels sujets s’étendait sa puissance épiscopale, et aussi disposé peut-être à se laisser brûler vif pour la défense de la latinité de l’université que pour aucun point de ses dogmes religieux.

Le roi, sans attendre la réponse de l’un ou de l’autre prélat, continua de questionner lord Nigel, mais dans sa langue naturelle. « Eh bien ! digne nourrisson des Muses[3], qui vous amène

  1. Quant aux Anglais, a. m.
  2. Like the nippit foot and clippit foot the bride in the fairy tale, dit le texte mot à mot, comme le petit pied et le petit poing de la mariée, dans le conte des fées. La manière de prononcer le latin chez les Anglais est effectivement très-bizarre. Pour n’en citer qu’un exemple, ce premier ers des bucoliques : Tytire, tu patulœ recubans sub tegmine fagi, sera prononcé par un étudiant de la célèbre université d’Oxford, ou de celle de Cambridge : Taïtiré tiou pétioulé rekioubinse sob tegméné fed jaï. a. m.
  3. Le roi emploie dans le texte le mot latin alumnus comme plus scientifique. a. m.