Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/12

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qui arrive ne m’étonne[1].

Tel étant l’état de la cour, cette sensualité grossière amena, avec ses compagnons ordinaires, un égoïsme brutal, sans dissimulation, également destructeur de la philanthropie et de l’urbanité, d’où dépendent (chacune dans leurs sphères spéciales) les égards accordés par chaque individu aux intérêts et aux sentiments d’autrui. C’est dans un pareil temps que l’homme sans cœur et sans honte, qui a pouvoir et richesse, peut, comme ce personnage supposé, lord Dalgarno, étaler au dehors toutes ces turpitudes et mettre son triomphe dans leurs conséquences, aussi long-temps que son plaisir ou ses intérêts y trouvent leur profit.

L’Alsace, en terme d’argot, a toujours été prise pour Whitefriars qui, possédant certains privilèges, est devenu par cette raison un refuge pour les misérables qui vivent en continuelle opposition avec les lois. Ces privilèges proviennent de ce que Whitefriars avait été dans le commencement un établissement de carmélites ou de moines blancs (whitefriars), fondé, d’après Stow dans son Plan de Londres, en 1241, par sir Patrick Grey. Édouard Ier leur donna une portion de terrain dans Fleet-Street pour y bâtir leur église. Cet édifice, quoique terminé, fut reconstruit par Courtney, comte de Devonshire, sous le règne d’Édouard II. Au temps de la réformer, ce lieu conserva ses immunités comme sanctuaire, et en 1608, Jacques Ier les confirma et les augmenta par une charte. Shadwell fut le premier écrivain qui mit en scène Whitefriars dans la pièce de Squire of Alsatia, qui roule sur le même sujet que les Adelphes de Térence.

Dans cette vieille comédie, deux frères, aventuriers tous les deux, font l’éducation de deux jeunes gens (fils de l’un et neveu de l’autre), chacun dans un système différent, l’un de rigueur, l’autre d’indulgence. L’aîné des deux frères soumis à cette expérience, élevé dans les principes les plus sévères, tomba dans tous les vices de la ville, fut débauché par tous les bandits et les escrocs de Whitefriars, et en un mot devint l’écuyer de l’Alsace (Squire of Alsatia). Le poète donne aux naturels et aux habitués du lieu les caractères indiqués au lecteur dans la note[2]. Cette

  1. Nugœ antiquœ d’Harrington, vol. II, p. 552. Pour la grossière débauche de ce temps, trop encouragée par l’exemple du roi, qui, sous d’autres rapports, n’était ni sans talents ni sans bonnes dispositions naturelles, voyez les Mémoires de Winwood, les Lettres de Howel et d’autres Mémoires du temps ; mais consultez particulièrement les lettres privées et la Correspondance de Steenie, autrement de Buckingham, avec son révérend compère le roi Jacques. Elles fourmillent de termes grossiers et puérils. Le savant M. Disraeli, dans son Essai pour la défense du caractère du roi Jacques, n’a réussi quà obtenir pour lui-même la réputation d’avocat ingénieux et habile, mais sans aucun profit pour son royal client.
  2. Cheatly, un coquin qui, à cause de ses dettes, n’ose sortir de Whitefriars, mais qui, là, séduit les jeunes héritiers par substitution, leur prête de l’argent à leur détriment, est lié avec eux, et partage avec eux jusqu’à ce qu’ils soient ruinés. Il est dissolu, impudent, débauché et très-expert dans l’argot de la ville.