Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/104

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Mais quand il devint trop grand pour être fouetté, il ne lui resta plus aucun moyen de se recommander. Une humeur railleuse et caustique, un esprit plein de malignité, et un sentiment d’envie contre tous ceux qui sont plus heureux que le possesseur de ces aimables qualités, ne sont pas toujours un obstacle à l’élévation d’un courtisan ; mais il faut qu’il s’y joigne un degré d’adresse et de prudence que sir Mungo n’avait pas reçu en partage. Sa langue satirique ne connaissait ni frein ni retenue ; l’envie qui le dévorait ne pouvait se cacher ; et à peine arrivé à sa majorité, il avait déjà sur les bras tant de querelles, qu’il aurait fallu les neuf vies d’un chat pour y satisfaire… Dans une de ces rencontres, il reçut, et ce fut peut-être un bonheur pour lui, une blessure qui lui servit d’excuse pour refuser à l’avenir de semblables invitations. Sir Rullion Rattray de Panagullion, dans un combat à mort, lui abattit trois doigts de la main droite, de sorte que, depuis ce jour, sir Mungo ne put jamais tenir une épée. Quelque temps après, ayant fait des vers satiriques sur lady Cockpen, il en fut châtié si vigoureusement par des gens qu’on avait payés tout exprès, qu’il fut trouvé à moitié mort à l’endroit où ils étaient tombés sur lui : ayant eu la cuisse cassée et mal remise, il lui en resta un tel embarras dans la démarche, qu’il descendit boiteux au tombeau. L’accident arrivé à sa main et à sa jambe rendit plus grotesque encore la tournure de notre original, et le mit à couvert à l’avenir des conséquences plus dangereuses qui auraient pu résulter de son humeur radieuse. Il vieillit donc insensiblement au service de la cour, sans avoir rien à craindre pour les membres qui lui restaient intacts, mais sans se faire d’amis et sans obtenir d’emploi ; quelquefois à la vérité le roi s’amusait de ses saillies ; mais il n’eut jamais l’art de profiter de l’occasion, et ses ennemis, qui, dans le fait, se composaient de toute la cour, trouvèrent moyen de lui faire perdre la faveur du prince. Le célèbre Archie Armstrong offrit à sir Mungo, dans un accès de générosité, un pan de son habit de fou, voulant par là le faire participer aux immunités et privilèges d’un bouffon de profession… car, disait l’homme au manteau bigarré, « sir Mungo, du train dont il y va, ne retire d’autre avantage d’un bon mot que de se le faire pardonner par le roi. »

Même à Londres, la pluie d’or qui tombait tout autour de lui ne vint pas fertiliser le patrimoine ruiné de sir Mungo Malagrowther. Il devint vieux, sourd et maussade, perdit jusqu’à la viva-